Ode à nos corps

Les sexualités des femmes est une réalité trop souvent incomprise. Se perdre dans ce trouble, c’est courir à la perte de son corps. Se connaître est constitutif même de l’amour de soi. Alors brosser ce portrait de nos corps sans interdit et sans secret, c’est balayer l’omerta patriarcale, et épouser l’inconditionnelle grandeur de l’anatomie féminine. Voilà une ode à la joie, à la diversité, à la tolérance.

Les vulves n’existent qu’au pluriel. 

D’humeur taquine, elles chassent la monotonie. D’un corps à l’autre, elles nuancent leurs apparences. Leurs lèvres, les grandes velues ou les petites discrètes, jouent de leurs teintes rosées ou brunes, de leurs longueurs, de leur symétrie… La pluralité des lèvres fait toute la beauté de la vulve. Fidèlement, elles protègent clitoris, méat urinaire, sortie du vagin. Sensibles, elles rougissent quand on les stimule. Le vagin, lui, reste caché. Bien moins nerveux que le clitoris, il n’est pas destiné au plaisir. Et non, ce n’est pas un trou. Une visite du pénis l’ennuie, contrairement à ce qui se répète à tort et à travers. Lors  d’une pénétration vaginale, c’est le frottement contre les parois du clitoris qui crée le plaisir. Le vagin a bien d’autres utilités. A l’aide des sécrétions vaginales, blanches et précieuses, il se nettoie. Sans elles, le vagin resterait plein de bactéries. Cependant, gare à vous, le vagin déteste qu’on le nettoie à sa place. Chasser les « douches vaginales », les protèges-slips, les parfums ou les déodorants, c’est dissuader les mycoses et leurs cousines vengeresses… Le vagin chérit ses parfums. Seul un arôme trop fort, qui engendre démangeaisons ou sensations de brûlure, doit alarmer. Assez sensible, le vagin s’est fait de multiples ennemis, y compris l’anus. Il convient de ne pas mélanger leurs bactéries. Et tout comme pour le vagin, ni médecin, ni copain ou copine n’a le droit d’explorer ton anus si tu n’en as pas envie. Ne l’oublie jamais.

Une chose est sûre, le clitoris est ton meilleur ami. 

Il s’est promis de ne te procurer que du plaisir. Selon les besoins, il balaie le stress, l’insomnie, la fatigue, les maux de ventre ou de tête, l’ennui, le froid, la colère… Pourtant, il reste discret, le clitoris ne montre que son gland et son capuchon. Ses piliers d’une dizaine de centimètres restent dissimulés. Pour lui tout seul, le gland est composé de plus de 8000 terminaisons nerveuses. Malgré le flux incessant d’idées reçues, le “plaisir vaginal” n’existe que par la stimulation du clitoris interne. L’obsession générale autour de la pénétration vaginale est telle qu’une légende a émergé : le point G. Jusqu’à preuve du contraire, cette zone soi-disant orgasmique n’existe pas. Pour les hommes, focaliser de manière extrême voire exclusive sur la pénétration vaginale, c’est faire de l’ombre au reste des stimulations clitoridiennes, et donc prioriser leur propre plaisir. Le clitoris effraie les sociétés patriarcales et scandalise de nombreuses communautés religieuses, qui rejettent le plaisir sexuel. Ainsi, une omerta autour de cet organe a persisté jusqu’aux années 1970. De nos jours, la déconstruction d’une telle invisibilisation reste ardue : nous sommes toujours excisées “culturellement”, et l’excision physique du clitoris ainsi que l’ablation des lèvres, restent aujourd’hui subies par plus de 3 millions de filles et de femmes à travers le monde. C’est une torture, parfois mortelle, dont le seul but est d’anéantir et de nier l’existence de la sexualité féminine. 

Le portrait des sexualités ne s’arrête pas à la vulve et au vagin. L’hymen est, lui aussi, une source abondante d’idées reçues. Il est beaucoup de choses, mais il n’est pas une membrane. Il est formé d’une série de plis de la muqueuse autour de la couronne vaginale. Autant dire que non, bien que délicat, l’hymen ne se déchire pas forcément au premier coït, ni au premier cours d’équitation, de gymnastique, de danse… Si hymen et pénétration il y a, il n’est pas obligatoire que l’hymen se rompt. Il peut simplement se dilater pour faciliter l’entrée du sexe ou du doigt de ton.ta partenaire. A l’inverse, qui dit saignement ne dit pas hymen rompu. Il est possible que des gestes aient été maladroits ou précipités et te fassent saigner, que tu en sois à ta première ou énième pénétration. En bref, l’hymen n’est pas un indicateur de la « virginité », ni une source systématique de saignements.

Non loin de l’hymen se trouve l’utérus. 

On l’appelle « l’organe de la gestation ». Cette dernière, selon le choix de chacune, peut être évitée à l’aide des contraceptifs. D’un côté se trouvent la pilule, le patch, l’anneau vaginal, l’implant, le stérilet hormonal, c’est-à-dire les contraceptifs hormonaux. Parallèlement, on trouve les contraceptifs sans hormones. Les préservatifs, masculins comme féminins, ont aussi l’avantage de protéger contre les IST. On trouve aussi le diaphragme et la cape cervicale, ou encore le stérilet en cuivre. Le choix de contraception se fait selon les possibilités, les envies, les modes de vie de chacune..

Parallèlement, les règles proviennent de l’utérus. Puisque de la monotonie résulte l’ennui, les flux et la durée des cycles changent d’une femme à l’autre. Les flux menstruels sont souvent accompagnés de douleurs diverses. Pour certaines, le syndrome prémenstruel, qui implique parfois l’angoisse, la tristesse, l’irritabilité, la fatigue avant les règles, mais aussi des courbatures, le gonflement des seins, des douleurs utérines, peut aussi être récurrent, voire systématique. Cependant, des douleurs très aiguës sont anormales, peu importe ce que l’on en dit. En parler est la meilleure solution. Il peut par exemple s’agir de l’endométriose, qui touche 1 femme sur 10. Désormais, le panel de protections périodiques est conséquent (bien que coûteux) et va des traditionnels tampons et serviettes aux plus écologiques cups et culottes absorbantes lavables. Encore une fois, qui dit diversité d’anatomies dit diversité de choix ; aucune solution n’est plus ou moins respectable qu’une autre. 

L’utérus est aussi un organe très sensible. Le Papillomavirus peut se transformer en cancer du col de l’utérus, ou peut rester inoffensif. Outre les frottis vaginaux réguliers, un vaccin a été mis au point en 2006, administré aux filles dès l’âge de quatorze ans.

Bref, comprendre l’anatomie, c’est célébrer les femmes sous toutes leurs formes, sans critique, sans comparaison. C’est célébrer la grandeur du corps féminin, sans interdit, sans silence. C’est mettre en exergue la précieuse diversité des femmes qui fait de chacune d’entre elles des êtres humaines uniques et exceptionnelles. 

Céline Piques