Démanteler les mythes sur les sexualités des femmes, armes de la domination masculine

OLF a lancé le site « Les Frangines »1 en février 2020, un guide ludique et pédagogique sur la sexualité des femmes, s’adressant aux jeunes filles. Dans une approche bienveillante, « Les Frangines » vient déculpabiliser les jeunes, promulguant le désir et le respect comme moteurs d’une sexualité épanouie et revient sur les « mythes » de la sexualité dominante, propres des stratégies des agresseurs.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un mythe ?

Le mythe est un récit imaginaire mettant en scène des personnages surnaturels (dieux, créatures fantastiques…) symbolisant les aspects de la condition humaine. Dans ce cas, pourquoi parler de « mythe » pour évoquer les sexualité des femmes qui sont, somme toute, une réalité concrète et naturelle ?

Si on utilise ce terme dans le cas de la sexualité des femmes, c’est parce que des croyances garantissent et entretiennent une maîtrise des naissances et par là même, une domination du corps des femmes. A cela s’ajoute une méconnaissance abyssale de l’anatomie et du plaisir des femmes qui ont fait émerger des mythes, dont le but est justement d’expliquer l’inconnu et donner des règles de vie.

D’où l’intérêt des Frangines qui interviennent justement pour rétablir la vérité auprès des jeunes ! Grâce à des articles clairs et concis, accompagnés d’un glossaire, elles permettent aux jeunes de se réapproprier leur corps.

Parmi les mythes les plus tenaces, celui qui consiste à dire que la sexualité des femmes serait toujours compliquée arrive en tête du podium. Évidemment, si on ne se concentre que sur une vision phallocentrée de l’acte sexuel, on ne peut pas comprendre comment une femme peut obtenir du plaisir par ce biais. Par ailleurs, le clitoris, organe totalement dédié à l’orgasme féminin, n’a été mentionné pour la première fois dans un ouvrage d’anatomie qu’au XVIème siècle (mais on pense alors qu’il a des fonctions urinaires…) et n’est jamais représenté dans son intégralité dans les manuels scolaires2.

D’autres mythes racontent que les femmes n’auraient jamais de désir sexuel: elles seraient des êtres sans libido, ne se masturbant pas ou très peu (alors qu’à d’autres époques, on pensait que les femmes étaient totalement accros au sexe… ce qui était bien sûr très mal vu, comme tout ce qui a trait à la sexualité des femmes). Le corps des femmes est toujours stigmatisé : nos vulves serait laides et sales, tout comme nos règles et toute autre sécrétion pouvant émaner de notre intimité. Or, tout cela est parfaitement normal et bénéfique pour notre corps !

Selon les mythes, il existerait deux types de femmes et pas plus : d’un côté, les chastes « madones », qui seront de bonnes épouses et de bonnes mères et les « putains » dévergondées réduites au rang d’objets sexuels, dont les hommes pourraient se servir comme bon leur semble. Cette dichotomie vient corroborer l’importance fondamentale de la virginité et de l’hymen, l’organe qui lui serait dédié et qui se déchirerait lors du « premier » rapport, entraînant douleur et saignements…

Ce qui est totalement faux, car toutes les femmes n’ont pas d’hymen et ne saignent pas lors de leur « première fois ». Heureusement, les Frangines sont là pour expliquer aux jeunes que non, la douleur et le sang ne font pas partie de la sexualité, même lors de nos « premiers » rapports.

Parlons de cette fameuse « première » fois, celle où nous « perdrions » notre virginité. Là encore, les Frangines insistent sur le fait que cette vision se concentre uniquement sur la pénétration d’un pénis. Elles précisent alors que l’on peut découvrir la sexualité de bien des façons (seule, avec une femme ou un homme, à travers la masturbation, les baisers, les caresses orales ou digitales…) ! Le plaisir sexuel ne tourne pas seulement autour du Dieu Phallus ! 3

Ces mythes servent d’explication, d’excuse et de banalisation aux stratégies des agresseurs, c’est à dire aux modes de pensées et des arguments qui prévalent pour justifier toute forme de violence sexuelle. Les Frangines font donc ici un travail de prévention, mettant en avant le continuum qui existe entre les différentes formes de violences (psychologiques, physiques, sexuelles…) et permettent ainsi aux jeunes filles d’être outillées face à la menace des agresseurs.

Si c’est non, c’est que c’est non ! Pas peut-être ou oui !

Le consentement, équivalent d’une acceptation résignée, sans réelle envie, est loin d’être suffisant dans un rapport équilibré et épanouissant. Il faut que cela nous fasse « oui » en dedans4, que nous soyons désirantes pour nous sentir à l’aise, sûres et en confiance afin d’apprécier totalement notre sexualité.

Les nombreuses injonctions inhérentes aux pratiques sexuelles font également partie de ces stratégies des agresseurs. Comme le rappellent les Frangines: selon la doxa, il faut avoir mal et/ou saigner lors de la « première fois », ce qui revient à accepter la douleur lors des rapports sexuels (ce qui est tout sauf normal !).

La prévalence du coït hétérosexuel, alimentée par les représentations pornocriminelles, centré sur le plaisir masculin et se terminant obligatoirement par l’éjaculation de Monsieur, nie toute autre forme de sexualité et n’incite pas les hommes à rechercher la jouissance chez leur partenaire.

La mode est au pubis glabre, tendance qui n’est pas sans rappeler l’infantilisation des femmes et une certaine banalisation des tendances pédocriminelles.

On demande aux femmes d’être constamment dans la performance sexuelle, d’être « bonne »… pour l’homme ! Nous sommes nombreuses à avoir oublié notre propre plaisir par peur de déplaire à notre partenaire…

Et bien évidemment, notre bonheur ne pourra être atteint que si nous sommes en couple avec un homme, peu importe lequel ! Cette injonction nous pousse parfois à nous contenter de relations bancales. Les Frangines citent Irina Dunn : »Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette » afin de faire comprendre qu’un conjoint n’est pas intrinsèquement nécessaire à nos vies. Nous pouvons aussi prendre le temps de choisir notre partenaire, d’en changer ou de rester seules sans culpabiliser !

En toute sororité, les Frangines donnent des connaissances essentielles aux jeunes ainsi que des clefs de compréhension mettant en avant le respect et l’envie, essentiels à toute relation épanouie. Ce site est un outil de prévention explicitant le continuum des violences sexuelles et apportant tous les éléments nécessaires pour déceler les stratégies des agresseurs. Grâce à l’éclairage positif des Frangines, les jeunes vont pouvoir reprendre le contrôle de leur corps, retrouver confiance en elles-mêmes et de vivre pleinement leur sexualité… loin des mythes !

Meryl

1. https://www.lesfrangines.olf.site/
2. https://sante.lefigaro.fr/article/clitoris-comment-l-organe-du-plaisir-feminin-a-ete-efface-des-livres-d-anatomie/
3. https://www.babelio.com/livres/Dworkin-Coits/1124122
4. Mon corps, c’est mon corps (ce n’est pas le tien) : https://www.youtube.com/watch?v=tLzj3CstC7o