L’IVG, entre victoires et reculs

La victoire du 30 décembre 2020 en Argentine, que nous applaudissons, nous interpelle quant à la situation de l’accès à l’IVG à travers le monde. Malgré des luttes acharnées, les dirigeants de gouvernements ultra conservateurs reviennent sur des droits durement acquis ou durcissent les lois, quand d’autres pays tentent de faire progresser la législation existante. Rétrospective.

En octobre 2020, l’accès à l’avortement s’est encore réduit en Pologne, les organisations féministes estiment qu’environ 200 000 polonaises recourent à l’IVG illégalement ou à l’étranger chaque année. Dans de nombreux autres pays, l’IVG fait encore l’objet de conditions extrêmement restrictives : dans certains pays elle n’est accessible qu’en cas de danger pour la vie de la mère (Côte d’Ivoire, Libye, Ouganda, Irak, Bangladesh, Venezuela) ; dans d’autres uniquement en cas de viol, de risque pour la mère ou de grave malformation du fœtus (au Brésil). Pire encore dans le reste du monde :  l’IVG est totalement interdite dans une quinzaine de pays, comme au Honduras où l’interdiction de l’IVG a été inscrite dans la Constitution.

Aux États-Unis, où l’IVG a été garanti par un arrêt de la Cour Suprême en 1973, le débat a été relancé lors de la dernière campagne présidentielle. Alors que l’accès à l’avortement est déjà largement réduit dans certains Etats, on peut, malgré les promesses de Biden, craindre un retour en arrière de la Cour Suprême. Donald Trump avait en effet nommé, avant sa défaite, la juge conservatrice Amy Coney Barrett opposée à l’avortement, pour remplacer la juge féministe Ruth Bader Ginsburg, décédée en septembre dernier.

D’autres  pays ont adopté des législations progressistes, plus favorables aux droits des femmes : la Nouvelle-Zélande a dépénalisé l’avortement en mars 2020 (qui était jusque-là passible de 14 ans d’emprisonnement) ; l’État du Queensland en Australie a légalisé l’IVG en octobre 2018 (abolissant une loi de 1899 datant de l’ère coloniale britannique). L’Irlande a légalisé l’IVG en septembre 2018 suite à un référendum historique, suivie par l’Irlande du Nord en octobre 2019. L’avortement est décriminalisé en Corée du Sud depuis 2021, même si aucune loi n’encadre encore ce nouveau droit.

En France enfin, depuis le manifeste des 343 en 1971, suivi du procès de Bobigny en 1972 dont Gisèle Halimi fut l’avocate de la défense, qui a abouti à la loi Veil de 1975, l’IVG n’est plus correctionnalisée comme en 1923, ou pire, passible de peine de mort comme sous Vichy. La loi initiale fixe à 10 semaines de grossesse la période pendant laquelle une IVG peut être légalement pratiquée (hors avortement pour motif médical). Depuis 2001, ce délai est de 12 semaines. Si le délai pour pratiquer une IVG médicamenteuse a été allongé de 7 à 9 semaines lors des récentes périodes de confinement, le projet de loi visant à rallonger le délai légal de l’IVG chirurgicale jusqu’à 14 semaines a été adopté par nos députés en octobre dernier, assortie de la suppression de la double clause de conscience ou de la pratique des IVG instrumentales par les Sages-femmes. Ce texte a été rejeté par le Sénat le 20 janvier 2021, malgré l’avis favorable du Comité consultatif national d’éthique. Il est urgent de mettre ce projet de loi en 2ème lecture à l’Assemblée Nationale ! Car ce projet répond aux 5000 patientes contraintes chaque année de se rendre à l’étranger pour cause de dépassement du délai légal, en raison de situation complexe ou de défaut d’accès aux professionnel.le.s. Cette proposition de loi qui vise à renforcer ce droit fondamental à l’IVG repose cette question politique : le corps des femmes doit-il rester un champ de bataille idéologique au détriment de leurs droits humains ? 

Anaïs GAL