Sois jeune ou cache-toi : le problème de l’âgisme

On ouvre un magazine féminin : « comment bien vieillir «, « vais-je vieillir comme ma mère », ou encore « Jennifer Aniston : pourquoi elle refuse de vieillir ». On allume la télé : « ce qui trahit votre âge », « résultat : je parais cinq ans de moins », ou bien : « mon secret pour avoir l’air plus jeune ». Soupir d’exaspération. Rester jeune, bien vieillir, ne pas faire son âge, la jeunesse nous est imposée à coup de crème antiride hors de prix.

Courant et peu médiatisé, l’âgisme est une forme de discrimination, de ségrégation à l’encontre des personnes âgées. Ce phénomène est accentué par la tendance sociétale du jeunisme qui oblige la population, en particulier les femmes, à avoir l’air jeune, sous peine d’être blâmée à la première ride, au premier cheveu blanc. Les femmes sont confrontées à des modèles de représentation fantasmés par le patriarcat, desquels le moindre signe physique de vieillissement a été éliminé par chirurgie esthétique ou Photoshop. De plus, dans les médias, au cinéma ou dans les publicités, seules des femmes jeunes tiennent l’affiche, excepté de rares exemples. Il en résulte un effacement de la femme vieille, comme si, passé un certain âge, elle devenait obsolète, inutile.

Cette représentation oppressive de la femme jeune, en modèle standard de la féminité, sert les intérêts économiques des laboratoires cosmétiques et pharmaceutiques qui en profitent pour sortir des gammes de crèmes prétendument antirides, bien souvent très coûteuses, dont ils vantent les miracles dans des spots publicitaires télévisés diffusés à heure de grande écoute, dans une stratégie d’humiliation de la femme vieillissante. Les médias féminins corroborent cette mortification à coup d’articles donnant des conseils en matière de chirurgie esthétique anti-âge ou de soins antirides. Présentées de manière anodine, ces idées infiltrent la société ; le poison du jeunisme se répand en provoquant le rejet de la vieillesse.

La discrimination sexiste par l’âge est aussi propagée par l’utilisation du titre « mademoiselle ». Même si le Conseil d’État a validé, en 2012, une circulaire prônant la suppression de ce terme des documents administratifs, il est toujours employé couramment. Son utilisation stigmatisante divise les femmes en deux catégories selon leur statut marital, mais aussi selon leur âge. Elle perpétue une opposition entre femme jeune, bien à s’approprier, et femme vieille, objet non désirable et non désiré : deux carcans rigides, stratégie âgiste d’oppression patriarcale.

L’âgisme, combiné au jeunisme, condamne un phénomène naturel qui touche tous les êtres vivants  : le vieillissement. Ces deux tendances toxiques donnent des complexes aux femmes, forcées de se plier aux règles de représentation discriminantes imposées par le patriarcat.

Clémentine Sabrié

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