Devenir centenaire en 2017

«Les femmes centenaires d’aujourd’hui – on en compte 20 000 en France – ont vécu tous les bouleversements du xxe  siècle.»

En France, deux fois plus de femmes que d’hommes atteignent 85 ans et elles représentent près de 90 % des centenaires. Quelles problématiques affrontent ces femmes en matière d’isolement, de dépendance ou de santé sexuelle et reproductive ?

Le vieillissement de la population est une conséquence de la transition démographique. Jusqu’à présent, il a surtout touché les pays du Nord, dont la fécondité et la mortalité ont beaucoup baissé, mais il commence également à toucher les pays du Sud et devrait être l’un des grands changements sociaux de l’humanité au cours du xxie siècle.

Les femmes centenaires d’aujourd’hui – on en compte 20 000 en France – ont vécu tous les bouleversements du xxe  siècle. Elles sont nées de mères habillées de jupes longues ; elles ont été la première génération à accéder à l’enseignement secondaire ; elles ont connu le suffrage universel masculin, qu’on appelait alors suffrage universel ; elles ont vécu majoritairement à la campagne jusqu’à l’après-guerre et travaillé sans compter dans des fermes où, en tant que conjointes d’agriculteurs, elles n’avaient aucun statut ni aucun droit ; puis elles ont conquis de haute lutte les droits des salariées dans l’industrie où elles sont entrées en masse lors des Trente Glorieuses, sans en retirer autant de bénéfices que leurs compagnons. Les retraites, les avancées sociales et les progrès techniques pour lesquels elles se sont battues ont surtout profité aux hommes. À l’heure actuelle, elles jouissent d’une retraite inférieure de 42 % en moyenne à celle d’un homme.

La dépendance

Les femmes sont également les principales pourvoyeuses d’aide au sein de la famille  : elles connaissent les situations de dépendance pour les avoir gérées chez leurs parents et/ou beaux-parents souvent dès le début de leur retraite et, un peu plus tard, chez leur conjoint. Les hommes ont, à l’inverse, plus de difficultés à assumer la perte d’autonomie de leur épouse et ont, par exemple, plus souvent recours à leur placement en établissement : 6 % des hommes mariés âgés de 85 ans et plus vivent en maison de retraite contre plus de 11 % des femmes (14,5 % et 27 % chez les 95 ans et plus). De même lorsqu’ils sont aidant principaux, ils ont plus souvent recours à des aides professionnelles. En outre, les femmes remplissent plus fréquemment ce rôle de soutien en tant que filles ou belles-filles, ou même ex-belles-filles (dans 60  % des cas).

Contrairement aux hommes, les femmes très âgées vivent majoritairement cette situation sans conjoint auprès d’elles pour les soutenir. Après un divorce ou une séparation, elles sont plus nombreuses que les hommes à ne pas reprendre une vie conjugale et vieillir seules. L’instabilité conjugale de plusieurs générations entre en ligne de compte dans la gestion intrafamiliale de la dépendance : une fille élevant seule ses propres enfants a moins de temps et de ressources pour venir en aide à ses parents âgés. L’aidante peut être aussi une ex-belle-fille.

La santé sexuelle et reproductive

Les femmes âgées de 80 ans et plus aujourd’hui n’ont pas ou quasiment pas connu les moyens de contraception modernes. Lorsqu’elles étaient en âge de procréer, elles vivaient dans la peur d’être enceintes, puis lorsqu’elles l’étaient, d’en mourir, enfin de perdre leurs enfants  : elles ont été avec leur progéniture encore très touchées par la mortalité périnatale et infantile, dont les taux ont beaucoup baissé dans les années 1950. La plupart d’entre elles ont connu des grossesses non désirées, voire des avortements artisanaux et clandestins, donc dangereux. Par ailleurs, le suivi des grossesses s’est considérablement développé depuis cette époque. Les accouchements non médicalisés étaient encore fréquents jusque dans les années 1950. La musculation du périnée ne s’est généralisée dans les séances de préparation à l’accouchement que depuis les années 1980. Depuis cette même époque, la surveillance des battements du cœur du fœtus par écho-Doppler a permis de réduire la durée des accouchements grâce à des médicaments, ce qui a diminué les risques pour le bébé et pour la mère. Sans suivi gynécologique, ces femmes portent des lésions au périnée, voire des nécroses des tissus du périnée, toute leur vie, avec leurs cortèges de dysfonctionnements urinaires et sexuels.

Plus de la moitié des femmes de plus de 55 ans qui ont accouché souffrent d’incontinence urinaire et, au-delà de 80 ans, l’incontinence urinaire due entre autres au prolapsus pelvien – couramment appelé descente d’organe – est encore plus fréquente. Ce sont des problèmes de santé bien plus fréquents que la maladie d’Alzheimer ou le diabète, mais dont on ne parle quasiment pas.

L’isolement

Une femme sur quatre subit des vio-lences sexuelles au cours de sa vie. Les traumatismes provoqués se cumulent dans le grand âge et sont parfois réac-tivés par la perte de la mobilité, qui rend une fuite impossible en cas d’agression.

« La perte de toute relation sociale est un grand motif de souffrance chez les personnes très âgées. »

Les crises d’angoisse que connaissent alors certaines femmes ayant perdu brus-quement leur mobilité peuvent être dues à ces souvenirs traumatiques. Ils peuvent aussi être réactivés par le caractère intru-sif des soins corporels prodigués dans la gestion de l’incontinence. La formation et la sensibilité des soignant.e.s est de toute première importance pour faire face à ces situations. Enfin, la perte de toute relation sociale est un grand motif de souffrance chez les personnes très âgées, dont « toutes les amies sont mortes » et les descendants éloignés. Voir leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants rythme et anime le temps qui passe souvent trop lentement.

Florence

 

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