Les violences conjugales, un combat universel

Le 14 février, à l’appel de la féministe américaine Eve Ensler et de son organisation V-Day, des milliers de personnes ont manifesté en dansant dans les rues de 203 pays, pour protester contre les violences faites aux femmes. 1 femme sur 3 est ou sera battue ou violée dans sa vie. Parmi les différentes formes que peuvent prendre les violences sexistes, les violences conjugales sont les plus fréquentes.

Les violences conjugales sont universelles et massives. Elles ne concernent pas que que les couples mariés, mais aussi les jeunes. En France, selon l’enquête ENVEFF de 2000, les femmes les plus concernées étaient les 20-24 ans. La prise du conscience du phénomène date seulement des années 1980 et ne va pas de soi dans tous les pays. Les violences conjugales sont souvent renvoyées à un cadre privé, dans lequel le politique ou la justice n’interviennent pas, ce qui contribue à les invisibiliser et à les banaliser. Si la France condamne ces violences, l’Observatoire national de la délinquance estime que 85% des victimes n’osent pas porter plainte, 98% lorsqu’il s’agit d’un viol conjugal.

Les féministes doivent se rassembler pour mieux se faire entendre et exiger des politiques publiques ambitieuses

Dans les pays où le mariage confère à l’épouse un statut de mineure, passant de l’autorité du père à celle du mari, les violences ne sont pas pénalisées. En 2003, un quart des pays du monde reconnaissaient encore légalement l’obéissance de l’épouse à son mari, dont le Sénégal et le Mali par exemple. En France la notion de « chef de famille » n’a été abrogée qu’en 1970. De même, le droit de divorcer, et donc la possibilité de s’enfuir, n’est pas légal partout. En Russie, la police n’a pas l’autorisation d’intervenir dans ce qui est considéré comme des « disputes conjugales ». Le meurtre de son épouse par une figure importante de l’opposition fin janvier a ranimé le débat, dans un pays où les organisations féministes se battent pour l’adoption d’une loi qui criminaliserait enfin les violences conjugales.

Des réponses différentes à des souffrances identiques

Quels que soient les pays, le processus des violences au sein du couple est partout le même. Elles se caractérisent par du dénigrement, du harcèlement, du chantage affectif, de l’enfermement, des violences psychologiques, économiques, physiques, sexuelles. S’appuyant sur la peur et la culpabilisation, le conjoint violent crée une emprise et un contrôle de l’autre dont il est très difficile de sortir.

Ces violences se distinguent d’un simple « conflit » de couple car sont souvent en relation avec le rôle social des femmes. La femme est accusée d’être une mauvaise mère, une mauvaise épouse, ou une mauvaise « ménagère », ce qui justifie les violences dont elle est victime. Prenant leur source dans les inégalités sociales entre les femmes et les hommes, les violences ne peuvent se comprendre que dans des rapports sociaux plus globaux et non comme un simple différend entre deux individus.


Le viol conjugal

Les violences au sein du couple sont souvent multiples : violence psychologique, physique, économique, sexuelle. De toutes les violences conjugales, les violences sexuelles sont les plus taboues, les plus tolérées par la société et les moins punies. Les victimes hésitent souvent à envoyer leur conjoint devant les tribunaux. Persiste encore dans les mentalités l’obligation, pourtant obsolète aujourd’hui, du devoir conjugal. Depuis 1990, le viol entre époux est pourtant reconnu par la loi. Il est même devenu, en 2006, une circonstance aggravante. La loi reconnaît que le mariage n’est pas un droit à disposer du corps de l’autre. Par conséquent, la loi sur le viol, rapport sexuel imposé à quelqu’un par la violence, obtenu par la contrainte, et qui constitue pénalement un crime s’applique également dans le couple. En 2006, selon l’ONU, seulement 104 pays avaient caractérisé le viol conjugal. La reconnaissance du viol conjugal est donc encore un long combat… notamment quand on sait que dans certains pays le viol n’est même pas caractérisé.

Julie


La reconnaissance, l’identification, le chiffrage des violences est une première étape. Au Mexique, pas moins de quatre enquêtes menées sur le sujet sont restées confidentielles et n’ont pas été suivies de mesures efficaces. De nombreux États ont aujourd’hui des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes, mais prennent rarement en compte la dimension patriarcale de ces violences. De plus, les moyens engagés pour les appliquer sont souvent loin d’être à la hauteur, tant en termes d’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge, de formation des professionnel-le-s, ou pour l’hébergement pour les femmes victimes.

Osons la lutte féministe internationale !

La campagne One Billion Rising lancée par Eve Ensler a prouvé que des femmes du monde entier, d’horizons et de culture différentes, pouvaient se mobiliser sur un projet commun. Les féministes doivent se rassembler pour mieux se faire entendre, plaider ensemble pour une déconstruction des stéréotypes de genre et exiger des politiques publiques ambitieuses. L’ONU est par exemple un levier et pourrait mettre en place des instruments contraignants pour agir dans les États membres.

La 57ème session de la Commission de la condition des femmes qui s’ouvrira à New York du 4 au 15 mars portera sur les violences faites aux femmes. Si l’ONU s’est pas encore emparée de ce sujet, les pays membres tels que la France, représentée cette année pour la première fois depuis 27 ans par sa ministre des Droits des femmes, peuvent plaider dans ce sens.


L’exemple Sud-Africain

En Afrique du Sud, les violences à l’encontre de la population féminine perdurent quotidiennement et constituent un véritable fléau. Selon l’association People Opposing Women Abuse (POWA), 1 400 femmes meurent sous les coups de leur partenaire chaque année (contre 122 en France en 2011). Des associations sud-africaines féministes s’investissent pour déceler et mettre en exergue les différents facteurs et les mécanismes sociétaux à l’origine de ces agissements. Face à cette mobilisation, la loi « violence domestic act » a été votée en 1998, mais n’a pas eu beaucoup d’incidence. En novembre 2012 a été lancée la 21ème édition de la campagne internationale d’information, « 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes », qui a lieu tous les ans du 25 novembre au 10 décembre et qui, en Afrique du Sud, concerne aussi les enfants. Le gouvernement et la société civile mènent des actions pour sensibiliser la population à cette barbarie.

Marion


À l’échelle européenne, une première étape a été franchie par l’adoption en 2011 au Conseil de l’Europe de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Ce texte reconnaît « que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation ». Il prévoit des mesures de protection et de prévention, des poursuites et des politiques publiques. Aujourd’hui, seule la Turquie l’a ratifié, preuve qu’il reste un long chemin à parcourir.

Charlotte et Hélène

 

 

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