Féminisme et mouvements sociaux

Osez le féminisme ! porte, parmi ses valeurs, le progressisme. Qu’il s’agisse de conquérir de nouveaux droits ou d’empêcher des régressions, l’association se mobilise régulièrement au sein du mouvement social. Comment apporter une vision féministe aux problématiques sociales et l’intégrer aux revendications ? Les derniers mois nous ont apporté deux exemples.

Contre la loi Travail : une approche féministe de ses enjeux

La première version du projet de loi « El Khomri », portant sur une réforme de grande ampleur du droit du travail, prévoyait une série de mesures marquant une forte régression des droits des salarié.e.s. Les syndicats se sont mobilisés, mais dans les premiers temps, la critique du projet de loi n’incluait pas de vision genrée. Or il apparaît que la plupart des mesures, injustes pour l’ensemble des salarié.e.s, toucheront davantage encore les femmes, déjà victimes de discriminations. En effet, la loi prévoit le renversement de la « hiérarchie des normes » : actuellement, un accord d’entreprise ne peut être que plus favorable aux salarié.e.s que l’accord de branche, lui-même obligatoirement plus protecteur que le Code du Travail. Avec la loi, un accord d’entreprise moins favorable aux salarié.e.s que l’accord de branche primerait désormais sur ce dernier. Or, les femmes sont particulièrement présentes dans les PME et TPE, où les rapports de force sont les plus déséquilibrés et où ce sont la loi et les accords de branche qui garantissent le plus souvent des droits. Les femmes seraient donc particulièrement exposées aux régressions que permettrait la loi.

C’est cette lecture que le mouvement féministe a promue lors des diverses réunions de l’intersyndicale et des organisations de jeunesse qui ont pris part au mouvement. En s’appuyant sur des syndicalistes sensibles aux inégalités femmes-hommes, les féministes sont parvenues à faire valoir leur grille de lecture de la loi. Le site inegaleloitravail.fr et la participation aux nombreuses manifestations illustrent la pertinence d’un questionnement féministe au sein du mouvement social. Nous voulons un retrait total du texte et les premiers reculs et mises en difficulté du gouvernement sont loin d’être suffisants. Affaire à suivre…

« Nuit Debout » : lutter contre le sexisme ordinaire

Le mouvement « Nuit Debout » s’est installé place de la République le 31 mars au soir, dans la foulée d’une manifestation contre la loi El Khomri. Il s’est étendu à de nombreuses autres villes, partout en France et en Europe. Conçu comme un rassemblement de citoyen. ne.s voulant réfléchir et proposer des solutions, dans une vision progressiste, égalitaire et dans un objectif de convergence des luttes, il peut a priori constituer un terrain idéal d’une prise de conscience féministe. Cependant, très vite, et comme dans de nombreux cas similaires, de graves comportements machistes y ont été décelés. Les femmes présentes sur la place ont ainsi notamment dénoncé les prises de parole non-paritaires, des propos sexistes dans les assemblées générales, des faits de harcèlement et des agressions sexuelles, ce qui les détourne de ce mouvement citoyen. Une commission « féminismes » s’est mise en place à l’initiative de plusieurs militantes, qui ont dès lors bataillé pour se faire entendre, et exiger des hommes le respect de leur intégrité corporelle et de leur parole. De même, des réunions non-mixtes ont été instaurées : si cela n’avait en soi rien de révolutionnaire − elles ont toujours accompagné le mouvement féministe – le concept a soulevé l’hostilité d’une partie des participant.e.s… souvent des hommes. Pourtant, l’intérêt des réunions non-mixtes a été maintes fois démontré, ne serait-ce que pour instaurer un cadre de dialogue sécurisé (puisque débarrassé de potentiels harceleurs) et ainsi libérer la parole. À force de justifier ce qui devrait relever de l’évidence, les militantes ont dépensé beaucoup d’énergie. Il est toujours rageant de devoir, une fois de plus, ouvrir les yeux de certaines personnes qui se prétendent progressistes mais refusent d’admettre que le patriarcat fait partie des systèmes d’oppression à abattre.

Paul

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