Dolto légitime les violences masculines, Salmona soigne les victimes

De l’héritage patriarcal légué par Françoise Dolto, à la révolution thérapeutique initiée par Muriel Salmona, le traitement des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants entre dans un nouveau paradigme

La psychanalyse, et tout particulièrement la pensée de Françoise Dolto a joué un rôle certain dans le déni au niveau sociétal des violences sexuelles, en particulier pédocriminelles. Dans une interview accordée à la revue Choisir en 1979(1) , Françoise Dolto multiplie les déclarations aussi choquantes qu’absurdes sur les femmes et les enfant.e.s victimes de violences sexuelles. Elle banalise la violence masculine dans le couple, et rend les victimes responsables. En cas d’inceste père-fille, à la question de savoir quelle est la responsabilité du père, elle répond «C’est sa fille, elle est à lui. Il ne fait aucune différence entre sa femme et sa fille. (…)

La petite fille est toujours consentante. (…) Elle ne l’a pas ressenti comme un viol. Elle a simplement compris que son père l’aimait, et qu’il se consolait avec elle. (…) C’est l’interdit de l’inceste qui valorise la sexualité. Cet interdit intervient quand l’enfant désire l’inceste, à partir de 3 ans et jusqu’à 13 ans environ»(2). Ces propos écoeurants se résument à une vaste banalisation des violences criminelles et en une complaisance à l’égard des agresseurs. Françoise Dolto qui a longtemps été une véritable icône de la psychanalyse est aujourd’hui contestée, jusque dans les rangs des psychologues.

La psychotraumatologie change la donne pour les victimes de violences sexuelles(3). Grâce à l’approche scientifique du psycho-traumatisme, comme celle de Muriel Salmona(4), basée sur la biochimie et l’imagerie médicale, nous comprenons les mécanismes de sauvegarde neuro-biologiques. Nous savons expliquer pourquoi les victimes sont incapables de réagir en cas d’agression: c’est le phénomène de sidération(5), un état de disjonction du circuit émotionnel et de la mémoire qui « éteignent» le stress extrême, et qui est à l’origine des états dissociatifs ultérieurs (la victime semble déconnectée de ce qui l’entoure) et de la mémoire traumatique (le souvenir des violences envahit la victime sans qu’elle ait de contrôle là-dessus). La dissociation traumatique rend la victime très vulnérable.

Déconnectée de son cortex frontal et de son hippocampe, elle est facilement mise sous emprise et devient une proie de choix pour les agresseurs, pour les proxénètes, qui peuvent plus facilement les soumettre à nouveau à des violences dans l’impunité. Les amnésies traumatiques font silence sur les violences. La mémoire traumatique leur fait revivre les scènes de violences vécues, comme des flashs, comme une torture psychique. Les victimes peuvent présenter troubles de l’humeur, conduites addictives et de mises en danger, haine de soi.

À partir de l’analyse de ces mécanismes, Muriel Salmona a créé de nouvelles thérapies efficaces pour les survivantes. Elles s’appuient sur l’intégration de la mémoire traumatique dans la mémoire autobiographique, ce qui réduit la souffrance des victimes. Quand un psychanalyste parlera de « perversité », de tendance «sado-masochiste », de «fantasme de viol», ou de troubles « paranoïaques», la psycho-traumatologie y verra dissociation traumatique et mémoire traumatique à l’oeuvre.

Muriel Salmona pointe malheureusement le manque de formation des professionnel.le.s du soin dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles, la rareté de l’offre de soin en psycho-traumatologie, et l’absence d’efficacité en matière de protection des mineur.es de la part de la justice et des services de protection de l’enfance, souvent imprégnés de psychanalyse.

Les avancées en matière de soin pour les victimes de violences sexuelles sont réelles et porteuses d’espoir pour nous toutes. Un vrai changement de paradigme est porté par Muriel Salmona qui pense le soin dans une perspective féministe respectueuse de la parole des femmes.

Une révolution thérapeutique est en marche, grâce à cette pionnière, nous pouvons envisager que les thérapeutes de demain, mieux formé.es, seront beaucoup plus à même de guérir les femmes et les enfant.es victimes des agresseurs sexuels.

Christine


Bibliographie
(1)«Choisir la cause des femmes », Gisèle Halimi, Michèle Chevalier, n°44, septembre, octobre, novembre, 1979.
(2)https://www.pseudo-sciences.org/Francoise-Dolto-la-deraison-pure
(3)https://www.cairn.inforevuerhizome-2018-3-page-4.htm
(4)Association Mémoire traumatique et victimologie, de Murielle Salmona, https://www.memoiretraumatique.org
(5)Conséquences psychotraumalogiques des violences masculines et renforcer la loi: https://stopauxviolences.blogspot.com/2020/01/affaire-matzneffpour-mieux-lutter.html