Annie Ferrand: Du consentement au désir, de la soumission à l’égalité

Céder à son conjoint, éviter un licenciement, obtenir un emploi ou payer un passeur… Les situations dans lesquelles une femme ou une fille «accepte» un rapport sexuel, sans pouvoir exprimer son refus sont multiples… Dans ces situations, le consentement suffit-il ?

Le consentement exprime une forme de soumission au désir de l’autre. Dans une société qui affrme défendre l’égalité femmes-hommes, pouvons-nous accepter qu’un rapport sexuel non désiré soit considéré comme acceptable ? Que la victime soit rendue coupable de n’avoir pas pu empêcher un rapport sexuel qu’elle ne désirait pas ?

En 2019, une enquête de l’association «Mémoire Traumatique et victimologie » révèle que pour 42% des français, la responsabilité du violeur est atténuée si la victime a eu une attitude provocante, et pour 31% d’entre eux, la victime est en partie responsable du viol si elle a déjà eu des relations sexuelles avec le violeur. Annie Ferrand explique ces résultats par la culture du viol, qui inculque à l’homme «fierté et excitation à dominer» et aux femmes « peur et humiliation». Il en résulte une culpabilisation de la victime, qui serait responsable de son agression.

Ainsi, les procès pour viol sur mineur·es de moins de 15 ans aboutissent souvent à des renvois en correctionnelle au motif d’absence de preuve, la victime ne s’étant pas défendue et n’ayant pas porté plainte.

Du consentement au désir

Dans une société qui ne se contenterait pas du consentement explicite ou interprété (elle n’a pas dit non, elle a dit non mais elle pensait oui…), et qui condamnerait les violeurs, la notion de consentement disparaîtrait au profit de désir, mouvement qui nous porte et qui serait le point de départ de toute relation intime. Le désir partagé dépasse le consentement. Pour tendre vers une société dans laquelle faire l’amour est un acte désiré par des partenaires égaux, il nous faut commencer par questionner la «séduction à la française ».

La séduction, expression du désir de l’un et du consentement de l’autre

Notre éducation nous incite à consentir aux demandes des hommes et à attendre qu’ils fassent le premier pas. L’homme est vu comme un chasseur, en position active, qui exprime clairement ses désirs, tandis que la femme est tenue d’adopter une attitude passive, manifestant seulement sa disponibilité. Isabelle Adjani dénonçait une triade bien française : «Galanterie, grivoiserie, goujaterie.

Glisser de l’une à l’autre jusqu’à la violence en prétextant le jeu de la séduction est une des armes de l’arsenal des prédateurs et des harceleurs.» Les articles de presse féminine n’évoquent le désir qu’au travers celui des hommes pour les femmes, et expliquent aux femmes comment séduire un homme en lui montrant les signaux qui indiquent qu’elles sont des proies consentantes. En imposant comme norme la domination masculine dans le rapport de séduction, comment les femmes peuvent-elles librement exprimer leurs propres désirs et au contraire refuser certaines pratiques lorsqu’elles en sont incommodées ?

De la soumission à l’égalité

Pour que l’acte d’amour naisse du désir réciproque, nous devons encourager les flles et les femmes à connaître leur vulve et leur clitoris, éduquer les enfants à l’égalité femmes-hommes, oser exprimer nos désirs, éliminer la culture du viol et exiger une réponse pénale exemplaire à l’encontre des violeurs.

Claire