« Le système pornocriminel: un système de viols tarifés filmés « 

Au même titre que le système prostitueur, le système pornocriminel ne peut qu’être considéré comme une arme de guerre gynocidaire, utilisée par les hommes contre les enfants et les femmes, tant ce système légitimise, encadre et perpétue les viols tarifés filmés. L’érotisation des violences masculines, commises par surprise, menace, contrainte et violence, amplifiées et diffusées par les pornographes et les voyeurs-violeurs par substitution, est un outil sûr et efficace pour maintenir et renforcer le patriarcat.

Des sculptures aux peintures, en passant par la littérature et la chanson paillarde, la pornographie (la représentation, graphê signifiant écriture, de femmes en situation de prostitution, pornê) a toujours réussi à jouer son rôle: proposer des modes opératoires aux agresseurs, donner des armes aux hommes, et sidérer les femmes et les enfants confronté.es à cette violence érotisée. Lorsque l’on rassemble et décortique ce que l’on connaît de ce système, s’imposant à nous dans chaque recoin de nos vies quotidiennes (pornification présente dans les publicités, films, clips…), et représentant près de 35% du contenu du web, on ne peut que réaliser sa ressemblance avec le système prostitueur.

La « libération sexuelle » de la pornographie est un système de viols


L’association américaine Culture Reframed indique que 88% des scènes contenues dans les films pornographiques les plus regardés et téléchargés contiennent des violences masculines. L’ajout d’une caméra pour capter des scènes de violences sexuelles ne doit pas représenter un argument validant la pornographie, mais bien une circonstance aggravante aux viols subis. Selon le Code Pénal, tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

La surprise: Il suffit de rassembler des témoignages d’associations en contact avec des survivantes du système pornocriminel pour réaliser que ce n’est pas parce qu’elles signent un contrat avec les pornographes, contrat supposé réguler les violences durant les séances de viols collectifs, que les femmes et filles en pornographie ne se voient pas imposer des actes non prévus par avance. Ici, certains des actes de pénétration sexuelle sont commis par surprise.


La menace: Intimidation, chantage, risque de subir une violence pire que la précédente ou de voir sa paie réduite et par conséquent subir une plus grande précarité, toutes ces stratégies d’agresseurs constituent des menaces qui peuvent obliger les femmes sous l’emprise du système pornocriminel à subir toujours plus de pénétrations. Ici, certains des actes de pénétration sexuelle sont commis par menace.


La contrainte: Tout d’abord, rappelons que la nécessité d’une caméra, d’un contrat et d’un scénario dans le système pornocriminuel constituent structurellement des contraintes auxquelles les femmes ne peuvent se soustraire. Rappelons ensuite qu’être une victime de la pornographie n’est pas un métier, n’est pas une position souhaitable, désirable. Les femmes sont ciblées par les agresseurs pornographes dans des contextes vulnérabilisants, lorsqu’elles sont en insécurité psychologique, physique ou financière, lorsqu’elles souffrent des conséquences de psychotraumatismes antérieurs. Passant ensuite par toutes les étapes de la stratégie de l’agresseur, décryptée par le Collectif Féministe Contre le Viol, les pornographes vont ensuite isoler, et dévaloriser leurs victimes, qui ne vont plus pouvoir dénoncer leur situation autour d’elles. Puis, les pornographes vont verrouiller le secret sur ce que signifie réellement être une femme dans le système pornocriminel, et à propos des raisons amenant à en faire partie: la précarité, l’emprise, les mécanismes psychotraumatiques. Ici, tous les actes de pénétration sexuelle sont commis par contrainte.

La violence: La pornocriminalité constitue un système d’impunité, de promotion et de déploiement des violences sexuelles, des hommes contre les femmes. L’étude de Bridges (2010) montre, après une analyse de 50 films pornocriminels sélectionnés parmis les plus populaires, à quel point ces films contiennent et propagent des scènes de violences verbales et physiques contre les femmes (dans respectivement 48,7% et 88,2% des 304 scènes analysées). Ces violences sont aggravées par la présence d’une caméra sur les lieux des viols collectifs, caméra étant extrêmement dissociante pour les femmes et les filles durant une situation sexualisante. Ces violences sont décuplées puisque non seulement commises par les violeurs-acteurs, mais également par tous les agresseurs impliqués sur le plateau, porno-voyeurs, sans oublier les violeurs par substitution derrière leurs écrans d’ordinateurs, ceux-ci étant à l’origine et responsables de la demande. Ici, tous les actes de pénétration sexuelles sont commis par violence.

La misogynie entraîne la misogynie


Il est urgent de se positionner pour défendre les droits humains des personnes esclaves du système pornocriminel, et de s’interroger sur l’origine, la racine, des viols tarifés filmés: pourquoi ces violences existent-elles et à qui leur acceptation profite-elle? L’érotisation des conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles masculines contribue par essence à une mise sous emprise globale des femmes et des filles, colonisées. Les porno-violeurs font la promotion des violences masculines, propagande donnant des armes à tous les autres agresseurs, notamment en empêchant femmes et filles de différencier excitation sexuelle issue d’un véritable désir libre et éclairé, et excitation génitale traumatique. La pornographie, système de viols tarifés filmés est une arme de guerre des hommes contre les femmes et les filles, contre laquelle lutte Osez Le Féminisme! Il nous faut penser aux jeunes enfants exposé.e.s en moyenne dès 11 ans à la violence banalisée véhiculée par la pornographie. Aux garçons apprenant que c’est cette violence qu’ils doivent aimer et réclamer. Aux filles, sidérées, forcées de considérer ces actes comme ceux d’une sexualité désirée. Il est impératif pour les filles et les femmes de pouvoir s’écouter elles-mêmes et de s’incarner pleinement, donc d’être libérées de tout regard extérieur rendu invasif par la présence d’une caméra, d’un appareil photo, de l’omniprésence de films pornographiques sur internet et dans le quotidien. Mais, surtout, il nous faut penser aux femmes et filles directement victimes des porno-violeurs, et faire de la lutte contre le système porno-criminel une priorité de notre combat féministe.


Merci à L. N. pour ses mots justes et ses analyses précieuses.

Juliette Mercier

Cet article a été publié dans le journal #53 d’Osez le Féminisme ! Ce numéro contient tout un dossier sur le système pornocriminel. Il est accessible suivant ce lien, même si vous n’êtes pas adhérent.e : https://osezlefeminisme.fr/journal/

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