Billet d’humeur : 220 000 IVG par an, c’est trop !

« 220 000 avortements par an ! Mais c’est énorme. 220 000 IVG par an en France, avec tous les moyens de contraceptions disponibles. A croire que certaines femmes le font exprès ».

220 000 avortements par an, c’est beaucoup ? Vraiment ? 

Mais beaucoup par rapport à quoi ? Ce chiffre est-il compréhensible seul hors de tout contexte ? A-t-il une signification sans comparaison avec d’autres données ? Pour le rendre intelligible, sachons nous poser des questions, affiner notre réflexion et ainsi déjouer les arguments culpabilisant les femmes.

Par rapport au nombre d’avortements pratiqués avant la libéralisation de l’accès aux moyens de contraception ?

Jusqu’aux années 1960, 800 000 femmes avortaient par an en France. 800 000 avant, 224 300 en 2018, soit une baisse de 72%. Et, faut-il le rappeler, grâce à la légalisation de l’avortement en 1975, plus aucune femme ne meurt ni ne devient stérile en France suite à un avortement clandestin pratiqué dans des conditions inhumaines.

Par rapport au nombre de femmes en âge de procréer en France ?

En 2016, le nombre de femmes en France en âge de procréer de 20 à 40 ans est de 8,4 millions. 224 300 avortements sur 8 400 000 femmes en âge de procréer, c’est 2,67% de femmes en âge de procréer qui avortent. Beaucoup, vraiment ?

Par rapport au nombre de femmes utilisant un moyen de contraception ?

Trois femmes sur quatre pratiquant un avortement utilisent un contraceptif. Un préservatif peut craquer. Une pilule, efficace à 99%, prise pendant 20 ans peut s’oublier et c’est humain. Et aucun contraceptif n’est fiable à 100%.

En outre, les femmes sont encore les seules à porter le poids financier et physiologique de la contraception. Il semble que les hommes ne sauraient en supporter les effets secondaires… quand les femmes les encaissent depuis toujours.

Par rapport au nombre de femmes victimes de viols par an ?

Par absence de statistiques sur le nombre d’IVG faisant suite à un viol, cette question restera sans réponse.

Bref, récapitulons : baisse de 72% du nombre d’avortements en 50 ans, 2,67% des femmes en âge de procréer qui avortent, les ¾ d’entre elles sont sous contraceptif, et la grande inconnue du nombre d’IVG suite à un viol.

Alors vraiment il y a trop d’avortements en France chaque année ? Ne s’agit-il pas plutôt de culpabiliser les femmes d’avoir recours à cet acte médical, et de toujours vouloir contrôler leurs droits sexuels et reproductifs ? Et tous les moyens sont bons pour atteindre ce but, comme de monter en épingle une donnée en oubliant de la contextualiser.

Et là encore, quand ce genre de jugement paternaliste est émis, on se focalise sur la vie des femmes, seules, semble-t-il, à être responsables voire présentes lors d’un rapport hétérosexuel.  

Le réel problème avec le droit à l’avortement en France, c’est qu’il est loin d’être encore correctement appliqué

  • laissé à la “conscience” des médecins qui peuvent le refuser en dépit du respect du droit fondamental des femmes à décider pour elles-mêmes, 
  • livré aux appréciations des parlementaires qui ont refusé en 2019, puis en 2020 en plein confinement, de ne pas augmenter le délai de recours  – un amendement passant le délai de 12 à 14 semaines pour pratiquer une IVG avait été proposé par la sénatrice socialiste Laurence Rossignol lors du projet de loi santé 2019, puis lors de la loi sur l’état d’urgence sanitaire en 2020. 
  • Le planning familial a à cet égard alerté en mai 2020, que les difficultés exprimées par les appelantes concernant l’accès à l’IVG et aux soins pendant le confinement avaient augmenté de 330%, nous informe le magazine Femmes Ici et Ailleurs #38
  • Le gouvernement aussi, a refusé en juillet 2018 d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, estimant qu’il était déjà suffisamment “protégé”. 

Une “protection” on le voit, bien aléatoire, quand on sait qu’elle peut par ailleurs voler en éclat au moindre changement de gouvernance politique.

Update : Albane Gaillot, référente à l’égalité femmes-hommes du nouveau groupe parlementaire de l’Assemblée nationale « Ecologie, démocratie, solidarité » vient de présenter, en juillet 2020, une proposition de loi (signée par 40 député.e.s), visant à améliorer l’effectivité du droit à l’avortement. Cette loi reprend notamment, dans son article 2, la demande d’allongement des délais d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines. 

Une nouvelle occasion, cette fois à ne pas manquer, pour les parlementaires et le gouvernement, de faire avancer les droits des femmes ?

M. G et Pauline Spinazze

Sources : 

Bilan démographique 2016 (insee)

Sur l’avortement : https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=570  

IVG : 224 300 avortements en France en 2018  

http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-rue69/20100202.RUE4800/trois-ivg-sur-quatre-concernent-des-femmes-sous-contraception.html

https://www.leparisien.fr/politique/polemique-sur-un-amendement-sur-l-allongement-du-delai-de-l-ivg-11-06-2019-8090916.php 
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/sexualite/contraception-masculine-une-methode-efficace-mais-aux-effets-secondaires-trop-lourds_107883

Une pensée sur “Billet d’humeur : 220 000 IVG par an, c’est trop !

  • 25 juillet 2020 à 20 h 35 min
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    Et 700.000 naissances par an 😉 Si les femmes ne faisaient réellement pas attention, on aurait autant d’avortement que de grossesses !

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