Les Survivants ou la nouvelle croisade anti-IVG

Alors que les obsèques de Simone Veil ont eu lieu le mercredi 5 juillet, la lutte contre la loi qui porte son nom, la loi Veil de 1975 qui a permis l’interruption volontaire de grossesse (ou IVG), connaît un renouveau à travers le mouvement des Survivants. Quid de leurs modes d’action, de leurs réseaux et des réponses à leur donner.

Le mercredi 5 juillet, jour des obsèques de Simone Veil, le groupe anti-avortement les Survivants, c’est-à-dire ceux qui auraient échappés aux avortements effectués depuis 1975 en France, a, une fois de plus, fait parler de lui en récupérant à son profit cet événement. Il a, en effet, mis en ligne un site intitulé simoneveil.com qui avait pour but d’utiliser la figure de l’ancienne ministre de la santé pour diffuser de la propagande anti-IVG, insinuant qu’elle-même n’était pas véritablement favorable à la loi qu’elle avait portée.

L’indécence de cette récupération a provoqué une bronca sur les réseaux sociaux et une pétition, adressée à Emmanuel Macron et certains de ces ministres, a été lancée le jour même pour demander la suppression du site à l’hébergeur, OVH. Osez le féminisme ! a également publié un communiqué de presse pour dénoncer cette récupération et appeler aussi à la suppression du site.

C’était chose faite le lendemain, suite à l’intervention de la famille. Cette dernière ayant rappelé à l’hébergeur l’impossibilité d’utiliser le nom d’une personne pour créer un nom de domaine.

Pour autant, le contenu du site est tout de même réapparu, vendredi 7 juillet, sous le nom de domaine simoneforever.com, nom d’une campagne lancée par le Planning Familial pour ses 60 ans en référence à Simone Veil, Simone Iff et Simone de Beauvoir.

La récupération des codes médiatiques contestataires au service d’idées réactionnaires

Le mouvement des Survivants se livre donc à une véritable guérilla digitale. D’ailleurs, outre simoneforever.com, le mouvement a créé plusieurs autres sites faisant mine d’informer de manière neutre et sans complexe sur l’avortement. Tel, le si délicatement nommé, afterbaiz.com où, entre deux leçons de drague, on trouve des témoignages de traumatisées de l’avortement.

L’organisation s’illustre aussi par des actions coups de poing qui s’inscrivent dans des pratiques médiatiques actuelles et qui visent à retourner à leur profit les références (idéologiques, culturelles…) de leurs adversaires.

Ainsi, même si le mercredi 28 juin, le site de crowfunding Helloasso suspendait la collecte organisée par le mouvement pour financer leur « Life Parade » de l’été, ce dernier avait tout de même réussi à lever près de 15700 euros pour financer cette campagne de communication anti-IVG. Cette « Life Parade », dont le nom fait référence à la « Love parade », le festival de musique électronique symbole de la culture anti-SIDA des années 1990, reprenant, par ailleurs, pour emblème le célèbre combi Volkswagen, symbole du Summer of Love de 1967. Ce sont donc les stratégies médiatiques actuelles et les codes de la culture contestataire sexuelle des années 1970 et 1990 qui sont réutilisés par le mouvement pour donner un coup de jeune et de l’attractivité à ses idées pour le moins conservatrices.

L’actualité, quelle qu’elle soit, est aussi utilisée pour diffuser le plus largement possible les idées portées par le mouvement. D’où, en avril, la multiplication d’affichettes anti-IVG, dans le métro, reprenant l’image des différents candidats à l’élection présidentielle, pour faire de la lutte contre l’avortement un enjeu politique majeur de la campagne. Point d’enchaînement aux grilles des hôpitaux pratiquant l’IVG donc, les méthodes ont changé. Mais, il s’agit pourtant bien, pour les Survivants, de porter les mêmes idées réactionnaires que les mouvements anti-IVG traditionnels.

De nouveaux modes d’action mais un ancrage dans les mouvements intégristes catholiques

La com’ « innovante » et l’image « cool » du mouvement Les Survivants sont propres à attirer les jeunes générations mais elles s’inscrivent aussi dans une stratégie classique des mouvements d’extrême droite de retournement des codes de l’adversaire (qu’on pense à l’instrumentalisation de la laïcité pour promouvoir le catholicisme au Front National ou à l’AGRIF, c’est-à-dire à l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne, qui s’appuie sur l’antiracisme pour promouvoir la civilisation européenne).

Activé en juin 2016, l’organisation reprend, de fait, certains des choix médiatiques de La Manif pour tous (dont il est d’ailleurs une émanation), notamment la récupération des codes de mai 68.

Car, à l’origine de l’apparition des Survivants, il y a Emile Duport. Ce trentenaire, proche de Frigide Barjot comme de Marion Maréchal-Le Pen, n’a, en réalité, fait que ressusciter le mouvement du même nom, apparu en 1998, et lié à l’organisation catholique intégriste, la Trêve de Dieu, célèbre pour ses commandos anti-IVG visant à empêcher le bon fonctionnement des établissements médicaux pratiquant l’avortement. Si les méthodes ciblent donc la jeunesse, les idées sont clairement réactionnaires et les réseaux auxquels se rattachent le mouvement appartiennent à la droite et à l’extrême-droite.

Face à ces attaques multiformes : faire front commun

Les méthodes utilisées par les Survivants pour relancer la lutte contre l’IVG ont donc entraîné de nombreuses réactions dans les médias et sur les différents réseaux sociaux. Ils ont aussi conduit l’ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, à faire adopter la loi sur le délit numérique d’entrave à l’IVG, le 16 février 2017.

Cependant, le fait que le site simoneforever.com soit toujours accessible au moment où sont écrites ces lignes et le label d’intérêt général conservé par les Survivants, montre que, malgré les réactions, le mouvement réussit à passer, sans difficulté, à travers les mailles du filet.

La vigilance est donc de mise et toutes les initiatives pour dénoncer les Survivants doivent être soutenues. C’est pourquoi Osez le féminisme ! appelle à suivre les actions proposées par le magazine Causette.

Il faudra aussi se mobiliser, le 28 septembre prochain, à l’occasion de la journée mondiale pour l’avortement, pour rappeler que l’IVG est un droit fondamental pour les femmes.

Claire

 

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