La campagne contre le harcèlement dans les transports toulousains : véritable prise de conscience ou « mesurettes »?

« Fais attention à toi », « Ne rentre pas trop tard », « Ne mets pas cette tenue, tu risquerais de te faire agresser ». 

Autant d’injonctions auxquelles nous sommes souvent confrontées lorsque nous nous apprêtons à prendre les transports en commun. 

Autant d’injonctions que nous nous imposons aussi parfois, résultantes de notre formatage à une société patriarcale qui veut que nous vivions dans la peur permanente.

Autant de mécanismes d’auto-défense, ou de pseudo bienveillance de notre entourage, qui au final nous privent de notre liberté de nous habiller comme on l’entend et de prendre les transports à l’heure à laquelle on le souhaite tant le harcèlement masculin dans les transports est devenu un fléau pour les usagères.

DU CONSTAT À L’ACTION : L’EXEMPLE DE LA VILLE ROSE !

En effet, depuis quelques années, et spécialement depuis #MeToo, les langues se délient. Le harcèlement sexuel, et plus particulièrement celui qui est commis dans les transports, est devenu un sujet à part entière dont les compagnies de transports urbains ont dû se saisir.

Il est en effet difficile de ne pas engager de luttes concrètes contre ces actes délictueux et criminels alors qu’une enquête nationale a révélé il y a quelques années que 100% des femmes empruntant les transports en commun ont été victimes d’agressions sexistes (insultes,  manspreading, etc.), voire sexuelles (agressions, viols) ! 100%. Ce chiffre est sans appel.

Depuis cette enquête, un Plan national a été mis en place afin de lutter contre les agressions sexuelles et sexistes contre les femmes dans les transports en commun.

A Toulouse, cette campagne a débuté en 2016. Un groupe de travail piloté par Tisséo (l’exploitant des transports publics de l’agglomération toulousaine) et la mission égalité femmes-hommes de la mairie de Toulouse, destiné à améliorer la situation dans les transports toulousains,  a réuni trois associations dont l’antenne 31 d’Osez Le Féminisme !.  

Suite à ce travail de groupe, les associations ont voulu savoir si les actions énoncées en première intention par Tisséo avaient réellement été menées.

ENTRE AFFICHAGE ET EFFETS D’ANNONCE : DÉCEPTION D’OLF 31

Parmi les mesures étudiées au sein du groupe de travail, il était question de former le personnel de Tisséo, qui bien que ne disposant d’aucune prérogative d’interpellation, se doit de savoir comment réagir face à une victime présumée d’agression sexuelle ou disposer des bons réflexes en cas de flagrant délit. Or, il s’avère, selon un communiqué de presse d’Osez le féminisme ! 31, que ladite formation n’avait toujours pas été mise en place en octobre 2018. Seul.es quelques responsables ont été sensibilisé.e.s à la lutte contre les agresseurs ce qui reste largement insuffisant par rapport aux objectifs présentés, sur lesquels Tisséo communique pourtant. 

Comment lutter efficacement contre les violences si les agent.e.s du réseau ne sont pas correctement formé.e.s pour y faire face ?

A quoi sert une plateforme de signalement si on ne donne pas les moyens aux premier.e.s acteurs et actrices de terrain d’intervenir efficacement lors d’une d’agression ?

Ceci est d’autant plus grave que la campagne de communication de Tisséo encourage les filles et les femmes victimes d’agression à aller chercher de l’aide auprès des agent.e.s qui, le plus souvent, ne savent pas comment réagir faute de formation. Par exemple, une adolescente s’étant retrouvée face à un exhibitionniste est allée chercher de l’aide auprès du chauffeur de bus. C’est à elle qu’il a été demandé de descendre, seule et désemparée. Une plainte a été déposée. Il est à noter également que les agent.e.s répondant de manière inadaptée à des cas de violences sexistes ou sexuelle ne s’exposent à aucune mesure disciplinaire. 

Pendant des mois les associations Osez Le Féminisme ! 31, la Ligue des Droits de l’Homme et Stop harcèlement de rue ont réclamé des entretiens et réunions de travail avec Tisséo dans le but d’améliorer les choses. Ces sollicitations sont restées longtemps sans réponse et l’agence de transport a continué de communiquer sur des mesures qui restent trop largement inappliquées. 

On ne peut nier le fait que Tisséo a mis en place certaines actions, mais il semble que la société a surtout voulu “jouer aux bons élèves” de la lutte – théorique – contre le harcèlement sexuel, en affichant un plan de prévention, sans pour autant s’investir véritablement. 

On peut lire sur le site de Tisséo deux exemples de signalement et d’arrestation d’agresseurs. L’une des situations concernant un cas de flagrant délit, l’autre a été effectuée  a posteriori suite à un signalement sur la plateforme dédiée. Tisséo évoque ainsi une mise en place efficace, qui doit semble t-il nous satisfaire et permettre à Osez le Féminisme 31 !  de se consacrer à d’autres chantiers. Il n’en est rien !

En effet, il est à noter que l’arrestation a eu lieu à la station Jean Jaurès, principale station de métro toulousaine, où des agents Tisséo sont disponibles en permanence.

Or, cela est loin d’être le cas dans toutes les stations. Dans les stations éloignées du centre-ville et situées dans les Quartiers Politiques de Ville par exemple, il est rare qu’un.e agent.e soit présent.e la journée. De quoi se sentir isolée et en totale insécurité notamment aux heures tardives… et ne parlons pas en cas d’agression ! Que faire si l’on se retrouve seule ?! Une présence accrue d’agent.e.s Tisséo doit pouvoir rassurer les usagères, surtout dans les petites stations ou en soirée ! De telles actions dissuasives sont largement attendues.

Parlons maintenant de la forme sous laquelle Tisséo a fait sa campagne. Parce que oui, Tisséo a procédé à une campagne d’affichage que Google qualifie de « coup de poing », de « trash » ! On s’attend à une campagne concrète, des images qui choquent et qui font baisser les yeux de ceux qui se sentent concernés ! Et bien pas tout à fait…

Afin de montrer le côté dégoûtant des agresseurs et des agressions, Tisséo a choisi de matérialiser ceux-ci par des monstres, et de les mettre « en position de faiblesse » dans leurs affichages.

Or, qui peut s’identifier à un monstre tel qu’on peut en voir dans des dessins animés pour enfants ? Certainement pas les agresseurs ! Pourquoi tant de frilosité à dire et à montrer que ce sont bel et bien des hommes qui agressent, et non des monstres sortis d’on ne sait où ? Une campagne où chaque agresseur pourrait s’identifier à ce qui est montré sur les visuels serait plus efficace. On ne saurait que trop recommander de s’inspirer de la dernière publicité de Gilette ! (https://youtu.be/koPmuEyP3a0 – We Believe: The Best Men Can Be)

STOP A L’HYPOCRISIE!

Qu’il s’agisse des transports, de la rue, du travail : STOP !

On n’est pas agressée par la rue, ce ne sont pas les transports qui nous harcèlent ! Ce sont des hommes qui agressent des femmes. 

Il faut nommer et montrer les agresseurs tels qu’ils sont : des hommes.

Ça tombe bien, c’est ceux-là même qu’on souhaite bousculer dans leurs certitudes à pouvoir disposer des corps des femmes en toute impunité. C’est ceux-là même qu’il faut cibler dans la campagne et dissuader d’essayer de nous approcher !

La honte doit enfin changer de camp !

Il faut taper fort pour mettre le harcèlement sexiste K.O. Et pour taper fort, il faut taper juste.

Stéphanie MALBERT

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