VAL PLUMWOOD ou la révolution écoféministe en philosophie
Val Plumwood (1939-2008) est une des autrices les plus influentes de l’écoféminisme, elle a enseigné la philosophie à l’université de Sydney. Qu’a-t-elle apporté à ce courant de pensée ? Quelles perspectives a-t-elle ouvertes ?
En plus d’être un mouvement militant, l’écoféminisme est un ensemble de réflexions philosophiques qui se sont déployées dans le milieu universitaire, surtout dans les études d’éthique environnementale.
S’opposant à l’idéal moderne de domination de la nature, Val Plumwood a formulé une critique écologique de la raison. Elle a interrogé le concept de la raison qui serait par essence opposée à la nature, dans une forme de dualisme. Ce dualisme voulait aussi opposer la raison à l’émotion et réduire le féminin à cette dernière. En développant sa critique de la raison moderne à travers divers aspects : culturels, économiques, moraux, Val Plumwood a donc relié les différentes formes de domination entre elles.
Qu’il s’agisse des rapports entre hommes et femmes ou entre les êtres humains et la nature. Elle a montré que le dualisme selon lequel les êtres humains et la nature seraient antagonistes est genré. Le féminin est sans cesse ramené à la nature, une nature instrumentalisée, réduite à servir d’arrière-plan au déploiement de la raison qui serait, elle, associée à la masculinité. Cette critique de la modernité a mis en exergue la ressemblance entre le projet de domination de la nature par les hommes et les dominations au sein des groupes humains. Avec Val Plumwood, la condition féminine est alors envisagée au sein d’un système de domination global et ladite critique révèle les constructions politiques sous-jacentes. La pensée philosophique occidentale, au cours de son histoire, a souvent considéré les femmes comme plus « naturelles » que les hommes, jusqu’à ce que l’obtention des droits civiques et le développement des études de genre n’ouvrent d’autres horizons pour celles-ci.
Pour les écoféministes, la réflexion sur le genre peut contribuer à la résolution de la crise environnementale actuelle ; et le genre devenir le lieu d’une réflexion qui dépasse une demande d’égalité
en droits entre hommes et femmes. Non seulement l’analyse écoféministe vise à libérer les femmes de leur relégation à une nature dominée mais elle ambitionne aussi de repenser les relations que les êtres humains entretiennent avec celle-ci. La domination croissante de la nature par la technique, inspirée d’un rapprochement entre les idéaux de la masculinité et ceux de la science, procède selon les écoféministes, de la même dynamique que la relégation des sciences humaines et sociales au second rang dans la gestion de la crise de l’environnement.
Val Plumwood suggère d’adopter les éthiques de la vertu dont fait partie l’éthique du care (ou travail du soin). Elle affirme qu’il faut démanteler la pensée dualiste en se plaçant dans le cadre d’analyse du care et prend le contrepied de la notion d’universalisme en se souciant du particulier, du local. La généralité se construirait alors sur les expériences particulières. Val Plumwood réfute la contradiction entre le particulier et le général.
Les éthiques du care sont le produit de l’expérience des personnes qui s’occupent habituellement des autres et qui sont animées par le souhait de faire sortir le care de son statut de travail « inférieur ». Val Plumwood ne nous proposait rien de moins qu’une révolution philosophique mais pas que ! En changeant de paradigme, en remettant en question la pensée dualiste, elle a ouvert de nouvelles perspectives culturelles, politiques et militantes.
CHRISTINE
#OLF58
Val Plumwood : la voix différente de l’écoféminisme, Layla Raïd, L’Harmattan, Cahiers du genre ; 2015/2, n°59, pp. 49-72.