RACISME : Envers les femmes maghrébines #pastabeurette

Les femmes perçues comme maghrébines, « arabes », ou musulmanes subissent de multiples oppressions et violences, à la fois misogynes et racistes : fétichisation à origine orientaliste et coloniale, humiliations racistes et islamophobes, microagressions les renvoyant à des projections fantasmées sur leur vies amoureuses et familiales…

Derrière ces violences se cache souvent la rhétorique de leur soi-disant émancipation et libération de leur « culture ». En effet, certain·es n’admettent l’existence du patriarcat que quand il touche les femmes maghrébines ou musulmanes, qui seraient des victimes qu’il faudrait sauver des hommes de leur famille, et nient le caractère universel du patriarcat omniprésent partout, y compris dans les sociétés occidentales.

Ce traitement particulier est apparent dans l’éternel débat sur le voile «islamique» qui est ramené sans cesse sur les scènes médiatique et politique françaises, souvent pour détourner l’attention d’autres sujets d’actualité. Sous prétexte de lutter pour les droits des femmes et contre l’exclusion, certain·es déchaînent l’ampleur de leur haine raciste envers les femmes portant un voile. Elles sont désignées comme des coupables, avec pour but l’humiliation et la stigmatisation. Ces dernières, voilées ou non, subissent finalement diverses oppressions allant des discriminations à l’emploi, à l’accès aux soins et au logement, jusqu’aux agressions islamophobes qui touchent à 75% des femmes.

Il est essentiel de dénoncer le voile, outil sexiste d’une religion qui, comme toutes les autres, est un reflet et une arme du patriarcat. Nous refusons le relativisme culturel. Nous soutenons les femmes qui luttent pour avoir le choix de le retirer et contre la pression religieuse, sans pour autant faire des femmes voilées des boucs émissaires cristallisant l’ensemble des maux et des frustrations de la société.

L’imaginaire collectif colonial :

La fétichisation raciste des femmes maghrébines par les hommes blancs a commencé dès le début de la colonisation de l’Afrique du Nord. Ses traces sont à retrouver dans les productions des peintres orientalistes qui ont fait de ces femmes un fantasme sexuel en les peignant souvent à demi-nues et dans des poses sexualisées. Avec le développement de l’empire colonial français, la prostitution coloniale des femmes et des filles a été instaurée et règlementée en particulier près des casernements où elles étaient mises à disposition des soldats et des marins français. Ainsi, dans le bordel-prison de Bousbir à Casablanca, créé par les colons français en 1914, étaient enfermées entre 450 et 680 filles (dès 12 ans) et femmes pour que des français, entre 1000 et 1500 par jour, puissent les violer en toute impunité. Ces femmes étaient considérées comme des « offrandes » de l’empire colonial à ses militaires et administrateurs.

L’un des épisodes de “Joséphine Ange Gardien” qui utilise le descriptif “beurette de banlieue” a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux. Mais, sur les plateaux télé, des chroniqueurs blancs ont argué que ce n’était pas raciste, “qu’on ne pouvait plus rien dire”, que ce mot est “poétique” et que c’est de l’exagération de parler de racisme. Ce débat s’est tenu sans la présence des femmes concernées. Juste après, les hashtags #JeNeSuisPasUneBeurette et #TF1Raciste, ont émergé de plusieurs femmes d’origine maghrébine pour faire entendre leur voix.

Violences institutionnelles et sur-représentation dans les métiers du soin :

L’interdépendance des discriminations sexistes et racistes est visible dans nos sociétés. Les femmes d’origines étrangères aux revenus faibles sont assignées aux métiers du soin et du lien. De la même manière, les femmes maghrébines de classe populaire sont reléguées aux tâches les plus dévalorisées socialement et économiquement tel que le ménage, les courses, etc…

Elles subissent également une discrimination à l’accès à l’emploi, au logement et sont en premier touchées par les réformes visant à réduire les politiques sociales. Par exemple, avec la réforme de l’assurance chômage qui est entrée en vigueur récemment, ce sont des catégories de personnes qui ne vont plus toucher d’indemnités, en particulier les femmes des classes populaires, seules avec leurs enfants, celles qui ont le plus souvent des vies professionnelles en pointillés. Les femmes issues de l’immigration post-coloniale sont concentrées dans les secteurs d’activité les plus précaires, avec les plus bas salaires. Pour cela, les analyses anti-impérialistes et anti-capitalistes sont des dimensions à prendre en considération pour la libération de toutes les femmes.

Zoom : La Coordination des femmes noires, pionnières du féminisme noir en France

« Nous allons faire notre histoire différemment. Nous ne nous laisserons pas massacrer, renvoyer, enfermer, assimiler, assister, marchander, ethnologiser, anthropologiser, exotiser, exploiter », proclamait la Coordination dans une brochure en juillet 1978. L’association se crée en 1976 sous l’initiative de Awa Thiam et Maria Kala Lobé. Elle comptera parmi ses membres Gerty Dambury et Françoise Vergès, entre autres. Elle se constitue de femmes noires, antillaises et africaines, étudiantes et jeunes intellectuelles pour la plupart. Son objectif était de lutter contre les oppressions spécifiques aux femmes noires invisibles dans le mouvement de libération des femmes : racisme, colonialisme, discriminations sur le marché du travail, dévalorisation du travail ménager, stérilisations forcées dans le cadre des politiques antinatalistes françaises dans les Antilles et La Réunion, mutilations sexuelles féminines, polygamie institutionnalisée… tout en refusant les représentations exotisantes et misérabilistes des femmes noires.

Cette prise de position leur vaut des critiques des associations de gauche et panafricaines qui trouvent qu’elles ne priorisent pas les luttes des classes, la lutte contre l’impérialisme et le néocolonialisme. Elles participent aussi à des actions de solidarité internationales contre l’apartheid, le racisme aux Etats-Unis, les dictatures dans certains pays africains… Elles ouvrent la voie à d’autres groupes de femmes noires et racisées en France.

LYNA ET WIDAD

#OLF59

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