Pauline A. : et si le féminisme nous rendait heureuses ?
Ex militante d’OLF, Pauline Arrighi est la créatrice du tumblr « Je connais un violeur », créé en 2013 (avant le mouvement MeToo), blog qui permet de donner la parole aux victimes de viol et de rétablir la vérité : l’écrasante majorité des violeurs font partie de l’entourage voire de la famille des victimes. Elle est également autrice de deux ouvrages, Crimes et Délits cocasses (2011) et Et si le Féminisme nous rendait heureuses ? (2019).
Ce dernier ouvrage prend la forme d’une parodie de livres de développement personnel, domaine qui illustre à merveille la doctrine libérale « si tu veux, tu peux » et qui ne rend heureux que les personnes qui vont déjà bien. L’objectif de cet essai est de faire prendre conscience aux femmes que le féminisme est l’outil d’émancipation idéal, celui qui leur permettra de prendre réellement confiance en elles tout en se délivrant des stéréotypes patriarcaux. Pauline Arrighi tourne en dérision le principe de la mode « détox » pour inciter ses lectrices à se débarrasser de ce poison venu de l’extérieur qu’est la domination masculine. C’est grâce au féminisme, méthode de bien-être accessible, que les femmes vont pouvoir s’en défendre.
Pauline Arrighi revient sur son expérience personnelle et fait preuve de pédagogie en ramenant constamment son vécu à des sources indispensables pour bien comprendre les inégalités qui existent toujours entre les femmes et les hommes (statistiques, liens, références bibliographiques, sites, vidéos…). Cet ouvrage peut être très utile pour une première approche du féminisme radical et permettre un rappel aux militantes confirmées.
En effet, à travers ce manuel d’autodéfense intellectuelle, à l’écriture fluide et plaisante, Pauline Arrighi nous donne des solutions contre les répliques cultes des masculinistes telles que « c’est de l’humour ! » ou « mais pourquoi tu t’énerves ? Ce n’est pas si grave ! ». L’autrice nous permet de parer ce type de rhétorique : non, ce n’est pas drôle et personne ne doit nous expliquer ce que nous sommes censées ressentir ou non. Nous avons toutes le droit d’être en colère lorsque l’on voit l’état actuel de la société. Pauline Arrighi rétablit les choses : le problème ne vient pas de nous mais du système patriarcal.
Notons que l’autrice use allègrement de pointes d’humour très appréciables, apportant parfois de la légèreté lors de l’évocation de sujets pourtant graves sans jamais occulter le sérieux de la chose. Pauline Arrighi revient également sur la vision actuelle du consentement : les femmes acceptent le rapport sexuel mais dans un cadre de contraintes et de pressions sociétales contre lequel nous devons lutter (par exemple: certaines lesbiennes qui voient le rapport hétérosexuel comme un passage obligé avant de se tourner vers les femmes ou certaines femmes qui n’osent pas refuser de finir la soirée chez leur prétendant après un rendez-vous par crainte de vexer ou de passer pour une « coincée » ou une « allumeuse » …).
L’autrice déculpabilise les victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles (harcèlement, agressions, viols…). L’objectif de « Et si le Féminisme nous rendait heureuses ? » est de renforcer l’estime de soi des femmes qui continuent chaque jour à être en proie à de lourdes injonctions concernant leur corps et leur façon d’être. Or, il est essentiel de pouvoir se porter un amour inconditionnel, comme on le ferait avec un membre de sa famille.
Il est plus que nécessaire de sortir des objectifs de beauté assermentés par le patriarcat qui sont contraignants, souvent contradictoires et qui alimentent la vulnérabilité des femmes (minceur voire maigreur, vêtements serrés, talons hauts entravant une démarche fluide…) et à lutter contre la misogynie intégrée (à la fois la nôtre et celle des autres). Concernant ce dernier point, Pauline Arrighi revient sur les figures féminines que la société a pris l’habitude de détester et met en valeur la sororité, nécessaire à notre bien-être, car le patriarcat a toujours cherché à nous diviser et à nous isoler, ce qui représente en soi une source de malheur.
L’autrice insiste sur le fait que la société doit revoir ses réflexes et se recentrer sur les expériences et points de vue des femmes. Il est également nécessaire de déconstruire des clichés bien ancrés et très néfastes pour les femmes comme le sado-masochisme (revenu en force et totalement banalisé après la parution de Cinquante Nuances de Grey) ou le système prostitutionnel et pornocriminel qui est vu comme un « mal nécessaire » permettant d’endiguer les soi-disant pulsions sexuelles irrépressibles des hommes voire comme une source d’émancipation.
Ce livre est donc à mettre entre toutes les mains et nous invite à aller plus loin sur la route du bonheur qu’est le féminisme.
Meryl