Mignonnes

Alors que la sortie française de Mignonnes de Maïmouna Doucouré en août passait relativement inaperçue, aux États Unis, le film n’a pas fini de faire parler de lui. En cause, le visuel choisi par Netflix pour sa promotion. Fatiguée de lire des commentaires toujours plus haineux et nombres de critiques gratuites écrits par des personnes qui ne l’avaient pas vu, j’y suis allée.

Amy, 11 ans, d’origine sénégalaise, arrive dans un nouveau collège. Comme tous les enfants de son âge, elle cherche à être acceptée et se retrouve tiraillée entre les deux cultures patriarcales au sein desquelles elle grandit. L’une, traditionnelle et religieuse qui commande strictement la place des femmes et où son père prend une seconde épouse. L’autre, la société occidentale où les femmes sont objectivées et souvent réduites au rang de subalternes. A la rencontre de la fille la plus populaire du collège, Amy ambitionne d’intégrer son groupe de danse et de participer à un concours. Pour leur chorégraphie, les filles s’inspirent des vidéos qui ont le plus de “like” et de vues sur les réseaux. D’une façon générale et dans la danse en particulier, plus la femme est érotisée et les chorégraphies lascives, plus elles ont du succès. A 11 ans, elles le comprennent déjà et copient ces exemples. Ce qu’elles ignorent, c’est que ces modèles empruntent leurs codes à la pornographie. En se mettant en scène de la sorte, elles s’exposent à un système pédocriminel dont elles ne soupçonnent pas l’existence.

Ce film est tellement réaliste qu’il fait frémir. Nous préférons l’ignorer, mais nos enfants sont exposé.e.s à des images pornifiantes avec lesquelles elles et ils se construisent. La pédocriminalité est partout et en banalisant les visuels toujours plus érotiques, les enfants adoptent des comportements qui les rendent vulnérables. Dans Mignonnes, cette réalité frappe. Le film dérange tant qu’à plusieurs reprises, on détourne le regard, l’ampleur du phénomène saute aux yeux et rend le danger palpable.

La polémique aux USA a surtout mis en exergue la présence d’images et de scènes vraiment problématiques dans le film. L’affiche racoleuse choisie par la plateforme justifiait-elle la vendetta essuyée par Maïmouna Doucouré ? S’est-on servi de ce prétexte pour réduire au silence une femme qui se retrouve là où on ne l’attendait pas ? Difficile à dire, à vous d’en juger.

Toujours est-il que ce film soulève des questions qui ne sont pas nouvelles : faut-il montrer la violence, et surtout la violence sexuelle pour la dénoncer ? Certaines scènes s’apparentent à de la pédopornographie et risquent justement d’alimenter le système qu’il dénonce. Quelles seront les conséquences pour ces très jeunes actrices ? Le bref suivi psychologique dont elles ont bénéficié le temps du tournage sera-t-il suffisant pour les protéger ? Malgré la prétendue volonté de dénoncer de la réalisatrice, les faits sont là : des petites filles, trop jeunes pour en mesurer la portée sur leur avenir, sont prises dans une mise en scène inspirée de la pédopornographie. Enfin, ce long-métrage va générer des profits substantiels pour l’équipe du film, ce qui est une forme d’exploitation sexuelle de mineur.e.s.

Une chose est sûre, l’objectif de Mignonnes est atteint, je serais bien plus vigilante pour protéger mes éventuels enfants, néanmoins, il s’adresse à un public averti ! Je me demande malgré tout comment l’ont vécu le père accompagné de sa fille d’une dizaine d’années et les deux hommes, la cinquantaine, assis derrière moi au cinéma.

Klo La Grenouille