La pornographie « lesbienne »: la sexualité entre femmes pour le seul plaisir des hommes…

Domination masculine, violences sexuelles, objectification et déshumanisation sont le lot des femmes dans un film pornographique. Qu’en est-il des lesbiennes ?

Avez-vous déjà tapé « lesbienne » dans un moteur de recherche? « Vidéos de lesbiennes sensuelles qui savent se faire jouir », « deux succulentes jeunes femmes dans un porno lesbien » ou encore « du lourd entre ces deux lesbiennes en chaleur » sont les titres de films pornographiques qui sortaient immédiatement sur Google jusqu’en juillet 2019. Il fallait attendre la 14ème position pour trouver un site définissant le lesbianisme. Depuis cet été et grâce à la mobilisation de plusieurs collectifs dont SEOLesbienne, les algorithmes ont été modifiés et les requêtes ne renvoient plus directement à du contenu pornographique.

Néanmoins, ne crions pas victoire si vite: ces résultats n’ont pas disparu dans leur ensemble. Ces contenus pornographiques sont en première page de l’onglet « vidéos » de Google et sur d’autres moteurs de recherches comme Qwant ou Yahoo. Quel est l’impact de ces résultats sur des – jeunes – femmes qui se questionnent sur leur sexualité et auraient l’idée de faire une recherche (et cela arrive tous les jours) ? Qu’est-ce que ça fait, de n’être représentée nulle part: à peine au cinéma, pas dans les livres d’histoire, pas autour de soi… et que le seul endroit où accéder à une représentation de ce que c’est être lesbienne soit des vidéos porno dans lesquelles on n’existe que pour faire plaisir aux hommes ? C’est extrêmement violent.

Le constat est clair: les lesbiennes ne sont considérées que comme un fantasme sexualisé pour les hommes et sont des personnages pornographiques irremplaçables pour ces derniers. C’est en effet un des mots-clefs les plus recherchés. Or les femmes dites lesbiennes qui apparaissent dans ces films jouent en réalité des personnages qui n’ont vocation qu’à satisfaire le désir de domination des hommes qui regardent ces vidéos. Rien que les termes utilisés en disent long: « gouines »
(une insulte lesbophobe), « orgies lesbiennes » ou encore « lesbiennes en chaleur »… Dans ces films conçus pour un public masculin, les femmes lesbiennes sont soumises et font l’objet de violences lesbophobes.


Le visionnage de pornographie a des impacts sur les attitudes sexuelles notamment des adolescent.e.s qui ont tendance à reproduire les scènes visionnées, pensant que ces vidéos participent de l’apprentissage de leur sexualité. En plus d’être une école de la misogynie, le système pornographique est donc une école de la lesbophobie. Pour les lesbiennes c’est la double peine: en tant que femmes elles sont dévalorisées, humiliées, violentées, et en tant que lesbiennes leur sexualité n’est pas respectée. Le couple lesbien n’existe pas sans homme et le plaisir sexuel lesbien est explicitement nié.

Ces films sont le reflet d’une société à la fois hétéronormée et lesbophobe. En effet, les poncifs de la pornographie font écho à la lesbophobie de l’ensemble de la société. Quand on voit deux femmes se caresser jusqu’à l’arrivée d’un homme, ça renvoie à l’idée que les femmes ne peuvent se passer d’homme et ça rappelle inévitablement ce que les lesbiennes entendent trop souvent : « si t’es lesbienne c’est que t’as pas trouvé le bon ! », « je vais te faire aimer ça » ou encore « mais c’est qui qui fait l’homme alors ? » comme si certains n’arrivaient pas à accepter que des femmes refusent de coucher avec eux et n’aient pas besoin d’eux…

Nous ne sommes pas un fantasme ! Nous sommes des personnes, nous existons et nous avons le droit de vivre notre sexualité comme nous l’entendons : c’est-à-dire précisément sans hommes, et hors de leur regard contrairement à ce que cherche à montrer le système pornographique.

Cécile Werey et Morgane Diebold

Cet article a été publié dans le journal #53 d’Osez le Féminisme ! Ce numéro contient tout un dossier sur le système pornocriminel. Il est accessible suivant ce lien, même si vous n’êtes pas adhérent.e : https://osezlefeminisme.fr/journal/

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