Je ne suis pas « féministe mais »

Réponse à tous ceux qui pensent pouvoir nous séparer, nous catégoriser et se sentent très fiers de ne pas écouter certaines féministes
#SexismeOrdinaire

«T’es peut-être féministe, mais avec toi on peut discuter ». Il me sort ça comme si c’était un compliment, alors que c’est sur lui que cette phrase me renseigne.

C’est vrai, je pèse tous mes mots, je suis polie à l’excès, je ne hurle pas. Mais je ne jetterai jamais la pierre à celles qui le font. Parce que même en étant aussi rarement au front que je le suis, ça me prend souvent, l’envie de hurler, de taper dans les murs, de sortir le lance-flamme. Ça, ou laisser tomber. Alors celles qui parlent plus fort que moi, qui se défendent mieux, je les admire, en fait. Et puis s’il écoutait, il se rendrait compte qu’elles disent la même chose que moi.

Je ne suis pas violente, mais sait-il ce que ça me coûte ? Souffler entre chaque phrase. Prendre un pas de recul à chaque commentaire déplacé. Étayer, mot à mot, toujours fournir les détails, les faits, les chiffres, les rappeler pédagogiquement alors qu’ils sont partout. Et toujours en face « Ah bon ? Je n’imaginais pas. » ou pire « Tu crois ? ». Alors je m’éloigne, je respire, je reprends. Ou je m’écrase.

Je ne suis pas acerbe, mais parce que je sais bien qu’il faut que j’en fasse dix fois plus que mon voisin pour simplement espérer être écoutée. D’un côté celui qui braille des commentaires sexistes sera « méditerranéen et expansif », « un peu grincheux, mais on le connaît comme ça ». De l’autre, celle qui élève la voix « dessert sa cause » et « ne se rend pas compte qu’elle devient inentendable. »

Je ne suis pas pinailleuse, mais ça ne m’empêche pas de tiquer. Il dit « rézosociaux », « ambiance tendue sans droit à l’erreur », craint que sa moindre maladresse lui soit reprochée à l’extrême. Mais un propos féministe public n’a pas besoin d’être maladroit pour mettre celle qui le tient en danger.

Je ne suis pas excessive, mais n’en déduisez pas que je suis modérée. Toutes les méthodes qu’il veut railler ou craindre, des quotas aux call-outs, je veux les envisager, les penser, les expérimenter. Je ne veux pas d’évidences à l’emporte-pièce, encore moins des épaules haussées. Et quand je ne dis pas « les hommes » pour ne pas qu’il entende « tu », quand je ne parle pas de racisme ou d’intersectionnalité… Ça reflète mon absence de confiance en sa réflexion bien plus que mes idées.

Je ne suis pas différente de cette femme que tu rejettes, je t’ai juste plus protégé. C’est toi que tu décris, quand tu dis l’impossibilité de l’écouter. 

Unt’ Margaria

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