Chloé, Karina, Anne et Théa : quatre des femmes qui comptent au Printemps Écologique

Elles sont engagées, fortes d’expériences différentes et se rassemblent au sein de Printemps Écologique avec l’ambition de faire bouger les entreprises sur les enjeux sociaux et écologiques. Dans un paysage syndicaliste encore traditionnellement masculin, ces quatre femmes prennent leur place, avec Anne Le Corre, l’une des co-fondatrices. Elles sont essentielles pour le tout jeune éco-syndicat. Nous voulons faire entendre leurs voix : 


1.Quels sont vos parcours de militantes ? Pourquoi avez-vous rejoint l’éco-syndicat Printemps Écologique ?  

Anne J.: Printemps Écologique est ma première expérience militante. Avant j’étais juste présente aux manifestations. Quand les réseaux sociaux ont annoncé la création de Printemps Écologique, ça a fait tilt ! J’ai adhéré immédiatement, d’abord dans l’idée de soutenir financièrement le projet, puis en intégrant l’équipe bénévole. J’étais frustrée par la contradiction entre mes valeurs écologiques personnelles et le fonctionnement extrêmement polluant de mon travail (NDLR: industrie du cinéma). La cause écologique me touche fortement et la démarche syndicale m’a toujours intriguée mais je n’avais jamais pensé à croiser ces deux sujets. Les syndicats me paraissaient être de très grosses machines, compliquées à appréhender et défendant des sujets que je ne comprenais pas bien. En plus de proposer une solution concrète et innovante, Printemps Écologique m’a tout de suite semblé facile d’accès et moderne dans sa façon de fonctionner et d’aborder l’outil syndical. 

Chloé D.: Je me suis intéressée au Printemps Écologique par curiosité. J’étais déjà sensibilisée à l’écologie, dans ma vie personnelle comme professionnelle, je  travaillais sur des projets de transition énergétique. Je « faisais ma part », sans vraiment réfléchir de manière globale. Rejoindre Printemps Écologique en tant qu’adhérente et bénévole m’a aidée à prendre du recul, à comprendre la dimension profondément collective de la transition écologique et m’a permis d’accéder à cet outil puissant qu’est le syndicalisme. Avant, quand je pensais syndicat, la première image qui me venait était celle d’un homme à moustache. J’avais toujours fait l’amalgame entre les personnalités du monde syndical et le syndicalisme. J’ai donc été étonnée de rencontrer un groupe jeune et mixte qui me parlait avec engouement d’un « éco-syndicat ». J’ai tout de suite décidé de les rejoindre. Je me suis ensuite rendue compte de l’ampleur que pouvait prendre un tel mouvement. 

Karina G. : J’étais déjà militante syndiquée chez SUD (NDLR : syndicat Sud Mutualité) puis impliquée à la CFE CGC (1) qui recherchait quelqu’un·e avec une expérience syndicale pour non-cadres. Leur idée était bonne mais il y avait une trop forte dichotomie entre les idées et les actions de la fédération nationale et les antennes locales. Puis j’ai découvert Printemps Écologique en 2020 : enfin un syndicat créé autour de valeurs qui me ressemblent ! Le duo gagnant du syndicalisme et de l’écologie pour aider les autres et la planète.

Théa L. : Je suis bénévole aux Restos du Cœur depuis longtemps et je participe aux évènements de la Fondation des Femmes. Engagée, je pensais qu’il n’était pas réaliste d’espérer changer les entreprises de l’intérieur alors pour mon premier emploi j’ai choisi une entreprise tournée vers un monde durable. En découvrant l’outil syndical, j’ai réalisé que ma vision était trop catégorique : les salarié·es en France bénéficient à travers leur CSE et les personnes déléguées syndicales d’un levier puissant pour imposer des sujets au sein du dialogue social et ont des moyens de sensibilisation. Je participe donc à la structuration de Printemps Écologique depuis sa création. Les réflexions que nous menons sur nos modes d’organisation et de prise de décision m’ont fait énormément grandir en tant que militante. Je travaille à la fois sur des sujets stratégiques comme la gouvernance et l’organisation de mon syndicat de branche ou nos objectifs de croissance et sur des sujets très opérationnels. 


2. Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans les syndicats même si l’accès aux responsabilités reste difficile “dans ce monde de moustachus” (2) . Quels sont vos leviers pour dépasser ce patriarcat qui pèse à la fois sur le monde du travail, le syndicalisme et la Planète ?

K.G. : Etre une femme, une militante, une écologiste… soulève à chaque fois de nombreux obstacles, et c’est pire quand on cumule ! Dans le syndicalisme, la domination masculine est monnaie courante : souvent les délégués syndicaux sont des hommes, des DRH préfèrent négocier avec des hommes, craignant que les femmes piquent leur virilité en se montrant capables de négocier. Alors pour moi, l’éco-syndicat est un levier qui permet aux salariées de reprendre un certain « contrôle”, c’est-à-dire être incluses dans les prises de décision des entreprises en y apportant nos voix et revendications. 

C.D: Je n’ai pas personnellement ressenti de discrimination directe en associations écologistes, j’y trouve ma place en tant que femme. J’ai même souvent rencontré des militant·es à la fois écologistes et féministes. Par contre, le militantisme est souvent guidé par des personnalités fortes et charismatiques, qui osent se mettre en avant. Le problème est que cela est considéré comme “viril” et soi-disant incompatible avec une féminité qui devrait être dans l’empathie, la discrétion. Et dans l’imaginaire collectif, le syndicalisme est encore cette “lutte virile” où un syndicat est incarné par un visage (d’homme). Notre vision chez Printemps Écologique tente de dépasser ce schéma classique de la confrontation. Hors de cette image “musclée” et de cette logique de chef unique. Nous nous organisons pour proposer un syndicalisme réellement collectif. À ce titre, il me semble que toutes les femmes salariées, quelle que soit leur personnalité, peuvent s’y retrouver. Théa L. ajoute : Notre organisation par Cercles induit qu’il n’y a pas de relations hiérarchiques. Il y a un respect des envies et des contraintes de chacun·e qui donne envie de s’investir encore plus.


3.Pourquoi est-ce important que les sujets qui croisent enjeux sociaux et environnementaux soient aussi discutés par des femmes, depuis leurs points de vue et expériences ? 

C.D : Cela montre aussi que des femmes sont tout à fait à l’aise sur des sujets techniques. Par exemple, en ayant travaillé dans des centrales photovoltaïques et dans les systèmes de stockage d’énergie, je connais bien l’empreinte environnementale de ces équipements et suis capable de traiter des sujets de transition énergétique. Je souhaite engager au sein de mon entreprise une réflexion autour de la sobriété, des low-techs ou «technologies appropriées» (3), en créant des technologies plus simples et moins énergivores.

A.J :   Dans mon milieu (le cinéma), les professions majoritairement masculines sont mieux représentées et mieux défendues que les professions majoritairement féminines. Les écarts de salaires femmes-hommes sont alarmants, et cette différence se remarque notamment entre les postes dits « masculins » (machiniste, électricien, chef opérateur…) très présents dans le milieu syndical, et les postes dits « féminins » (maquilleuse, habilleuse, scripte…) quasiment absents du dialogue social et souvent davantage précaires. Curieusement, pour des films prestigieux et à gros budget, on retrouve par contre beaucoup d’hommes chefs de poste dans des départements dits féminins et les femmes se retrouvent souvent reléguées au rôle d’assistante. Donc oui, l’engagement des femmes est absolument nécessaire pour bousculer le statu-quo. Par exemple, #MeToo a été un moment capital et a engendré des collectifs et associations comme Matermittentes et le Collectif 50/50, qui pèsent aujourd’hui dans la transformation de cette industrie. Les femmes qui s’engagent au sein des syndicats et autres collectifs font bouger les lignes sur l’égalité de genre et les droits des intermittentes mais pas que ! Le Collectif 50/50 mène par exemple aussi un combat pour la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel. Chez Printemps Écologique-Cinéma et Audiovisuel, nous sommes une majorité de femmes et nous luttons pour une accélération de la transition écologique. Nous lançons une pétition (4) pour instaurer la mise en place obligatoire d’un bilan carbone pour toutes les productions. C’est le prérequis vers la reconstruction écologique et sociale de notre industrie, et nous allons continuer !

Chloé D., Karina G., Anne J., Théa L., interrogées par Anne-lise Rias d’Osez le féminisme ! 63

Sources

  1. Confédération Française de l’Encadrement, Confédération Générale des Cadres
  2. Amandine Mathivet : Au turbin ! , Le podcast qui parle du travail https://play.acast.com/s/au-turbin 
  3. Philippe Bihouix : Start-up nation ? Non, low-tech nation !, Socialter, 2019.
  4. Pétition Le cinéma et l’audiovisuel pour un bilan carbone obligatoire ! https://agir.greenvoice.fr/petitions/le-cinema-et-l-audiovisuel-pour-un-bilan-carbone-obligatoire