ATTAQUES contre les femmes politiques noires révélatrices d’une parole raciste en mutation

Le journal d’extrême-droite Valeurs Actuelles vient d’être condamné le 29 septembre pour injure publique à caractère raciste, après avoir publié en août 2020 une série de dessins dépeignant Danièle Obono, députée LFI élue en 2017, en esclave assortie d’un article intitulé « Obono l’africaine » tout aussi nauséabond. Cette soi-disant « politique fiction » invitait le lecteur à imaginer Danièle Obono vendue comme esclave en Afrique.

Il faut saluer le courage de Danièle Obono qui n’a pas reculé devant la fachosphère et a choisi de saisir la justice pour défendre ses droits, son honneur et sa dignité. Justice qui lui a donné raison, soit dit en passant, puisque le journal Valeurs Actuelles, véritable étendard de l’extrême-droite française a été condamné. Danièle Obono n’est pas la première femme politique noire à être la cible d’attaques racistes de l’extrême droite, Christiane Taubira avant elle en a été victime.

Les infâmes saillies racistes dont elle a fait l’objet ne sont que trop présentes dans nos mémoires. Quand Christiane Taubira démissionne de ses fonctions de ministre de la justice en 2016, c’est après avoir subi au cours des 3 années et demi qui ont précédé une véritable avalanche de violences racistes. Quand l’extrême droite ne trouve rien à reprocher aux femmes politiques noires, elle invente : Christiane Taubira est calomniée en ligne, elle est accusée de rendre visite en hélicoptère à son fils qui aurait été incarcéré en Alsace.

France Info révélera la supercherie, toute l’histoire est fausse. Lorsqu’une candidate Front National compare Christiane Taubira à un singe, une étape supplémentaire est franchie dans l’abjection raciste. La cruauté le dispute à la bêtise quand Anne-Sophie Leclere, candidate Front National à Rethel partage en ligne un montage qui assimile la ministre à un singe, preuve s’il en fallait une que les hommes n’ont pas le monopole du racisme et du sexisme. “La Manif pour tous” récidive dans les propos orduriers de cet acabit : lors d’un déplacement de Christiane Taubira à Angers, elle est invectivée par de jeunes manifestants qui eux aussi lui tiennent des propos dégradants.

En 2013, le journal Minute reprenait la comparaison en titrant « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane ». La droite n’est pas en reste quand en 2015, Gérald Darmanin, alors député-maire de Tourcoing, qualifie Christiane Taubira de “tract ambulant pour le Front National”. Et toujours en 2015, une élue UMP première adjointe au maire de Juvisy se fend également d’un commentaire raciste sur sa page Facebook.

Puis, concernant la une de Valeurs Actuelles intitulée « Taubira doit partir », une adjointe UMP aux affaires scolaires de Talant commente sur Facebook : « Qu’elle reparte déjà dans sa brousse, les lianes l’attendent ! ».

Deux femmes politiques noires ont subi des violences similaires par le passé : Eugénie Eboué-Tell, née en Guyane devenue membre de l’Assemblée Nationale, et Jane Vialle, née au Congo, devenue sénatrice. Toutes deux ont été actives dans la résistance contre le nazisme au cours de la 2nde guerre mondiale.

Eugénie EbouéTell avait rejoint le corps auxiliaire féminin en qualité d’infirmière dans l’armée de la Résistance en Afrique Centrale. Condamnée à mort par contumace par le gouvernement de Vichy, elle est réhabilitée lors de la victoire des alliés. Elle reçoit alors 26 médailles, dont une croix de guerre et la médaille de la résistance. C’est en 1945 qu’elle est élue à l’Assemblée Nationale, puis un an après au Sénat où elle rencontrera Jane Vialle, née en 1906 au Congo. Celle-ci arrive en France avec son père à 7 ans, elle avait commencé à travailler comme journaliste quand la guerre éclate. Elle rejoint la Résistance dans le sud de la France ; arrêtée en 1943, elle est accusée de trahison par le régime de Vichy, puis déportée en camp de concentration. Déplacée ensuite dans une prison marseillaise pour femmes, elle recevra la médaille de la résistance et sera élue au Sénat en 1947. Au cours de leurs carrières politiques elles ont combattu le racisme, par exemple comme lorsqu’elles ont présenté une motion dénonçant la «discrimination entre les conseillers de la République de la Métropole et ceux d’Outre-Mer».

Elles ont également obtenu en 1951 la promulgation d’une loi permettant aux enfants nés de mères africaines et de soldats français de faire une recherche en paternité, et ce afin d’obtenir une pension. Tout comme Danièle Obono, ou Christiane Taubira aujourd’hui, elles étaient malgré leur mérite et leurs faits d’armes, perçues comme étrangères en France, mais comme elles, elles ont fait leur chemin vers le pouvoir et œuvré pour l’égalité des droits de tous les citoyen·es.

Christiane Taubira a été à l’initiative de la loi de 2001 qui qualifie la traite négrière de crime contre l’humanité. Elle s’inscrit pleinement dans la tradition de lutte pour la dignité qui a marqué le parcours de Jane Vialle et Eugénie Eboué-Tell.

Les attaques racistes contre Christiane Taubira, ou plus récemment contre Danièle Obono révèlent la prégnance des stéréotypes racistes issus de l’esclavage et du colonialisme à l’extrême droite de l’échiquier politique. C’est particulièrement flagrant quand Danièle Obono est représentée en esclave, la corde au cou, ou quand Christiane Taubira est renvoyée à des clichés racistes inspirés de la publicité coloniale. Les femmes noires en politique font l’objet d’une inégalité de traitement, leur moindre propos ou actions sont scrutés à la loupe, passés au peigne fin.

L’extrême droite suranalyse leur discours de façon obsessionnelle, à l’affût du moindre écart, et quand ils ne trouvent rien à leur reprocher, ils inventent. Ces comportements révèlent la mutation accomplie dans la genèse du discours raciste, que cette idéologie a délaissé pour une parole plus sournoise et insidieuse. Les femmes politiques noires ne sont pas ouvertement attaquées sur leur couleur de peau, mais leurs moindres faits et gestes sont jugés. Les objectifs restent les mêmes : humilier, blesser, exclure et rejeter, en fait dominer. Leurs actions, leur travail sont dévalorisés. La nouvelle extrême-droite contourne habilement la législation existante qui interdit la parole raciste pour mieux attaquer les femmes politiques de couleur.

Osez Le Féminisme ! exprime toute sa solidarité à Christiane Taubira et Danièle Obono, dignes héritières des pionnières du combat antiraciste que furent Jane Vialle et Eugénie Eboué-Tell.

CHRISTINE

Zoom : Le groupe d’OLF : « Pour un féminisme antiraciste »

Le groupe « Féminisme antiraciste » a été créé en novembre 2020. Osez le féminisme ! avait la volonté depuis longtemps déjà de lutter contre les oppressions spécifiques que vivent les femmes racisées et c’est par cette volonté qu’est né ce groupe de travail. Pour nous, femmes racisées ou d’origines diverses qui militons au sein de l’association, il était important de faire entendre nos voix, de faire reconnaître les discriminations que nous vivons au quotidien et d’analyser les biais de société à notre encontre et à l’encontre de toutes les femmes victimes de racisme. Nous souhaitons mettre en place une analyse politique à la fois universaliste et intersectionnelle. Développer une conscience sur ces oppressions multiples et dénoncer les violences spécifiques que vivent les femmes racisées, faire valoir le matrimoine des femmes racisées trop souvent oubliées ou silenciées et leur rendre femmage.

Ce groupe a besoin de nouvelles forces vives, n’hésitez pas à nous rejoindre !

LAETITIA

#OLF59

Références :

1. La France Insoumise

2. https://cutt.ly/hTn12AK

3. https://cutt.ly/GTn16PF

4. https://cutt.ly/VTn0oOe

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