Clara Carbunar, membre de la caravane européenne de la Marche Mondiale des Femmes
Qu’est-ce que la caravane féministe européenne ?
C’est un espace communautaire composé de jeunes féministes de plusieurs pays, en itinérance en Europe pendant huit mois à la rencontre de femmes en lutte. Chacune peut venir pendant une semaine et vivre cette action. C’est l’une des formes de l’action internationale 2015 de la Marche mondiale des femmes (MMF). Les coordinations nationales de la MMF organisent des événements, la caravane les relie.
D’une part, c’est un espace où on expérimente des pratiques féministes : l’autogestion, comme pratique militante particulièrement formatrice, et la vie communautaire en non-mixité. Ensuite, nous relions des luttes de femmes dans différents pays pour les valoriser. On va voir des luttes qui marchent, sont originales, intenses.
On aborde quatre thématiques : la résistance face à la militarisation et aux violences, face à l’appropriation de nos corps, face à l’expropriation des biens communs et les alternatives féministes en termes d’autonomie économique.
Quel est l’impact de la caravane ?
Il y a eu beaucoup d’actions organisées à l’occasion du passage de la caravane, et certaines ont joué un rôle clé pour le mouvement militant. Par exemple, la marche lesbienne à Belgrade était une grande première. Elles ont saisi l’opportunité du passage de féministes d’autres pays pour faire un événement qui a eu un impact majeur au niveau régional. De même, le campement international que l’on organise en Pologne en août devrait avoir un impact sérieux sur le milieu militant dans ce pays. En Bosnie, on a rencontré les ouvrières de Tuzla, qui sont en lutte depuis deux ans suite à la fermeture de leur usine. Elles ont campé devant l’usine, se sont battues pour récupérer leur moyen de production. La répression de la police, très violente, a amené un soulèvement de tout le pays, appelé « le printemps bosnien ». Ce sont en partie des femmes qui ont mené les luttes. En les valorisant, on les renforce, en tant que femmes et féministes dans leurs collectifs. C’est dans la même logique qu’on est allé-e-s voir les féministes à Notre-Dame-Des-Landes. Nous voulons donner une visibilité aux luttes des femmes, surtout celles dont on entend le moins parler et travaillons pour cela à des outils de transmission sur des supports durables.
Quel premier bilan tires-tu de ces rencontres ?
Les analyses de la marche se sont assez bien vérifiées sur le terrain : offensives du néolibéralisme allant de pair avec le patriarcat, recul des droits et appropriation des biens communs. Nous contribuons à renforcer des initiatives locales de résistances, mais il faut faire plus. Il y a un vrai enjeu à être en lien, notamment avec les féministes d’Europe de l’Est. Il s’y passe des choses importantes, il faut être là, en appui. En France, on a plein de ressources, comparé à nos voisines, soutenir leurs luttes relève de notre responsabilité.
Propos recueillis par Charlotte Soulary