Little Fires Everywhere, l’excellente série féministe à regarder pendant les fêtes

SANS SPOILERS

Entre dérèglement climatique, crises politique et sanitaire, l’année 2020 a été tumultueuse. Dans ces conditions, les droits des femmes ont subi une forte régression à travers le monde. Malgré la lutte indispensable, il nous est aussi permis de nous reposer et de profiter des petits bonheurs. Je vous propose donc de découvrir ici l’excellente série féministe Little Fires Everywhere

Magnifiquement réalisée par Liz Tigelaar, Littles Fires Everywhere raconte la rencontre de deux familles, deux vécus et deux milieux sociaux opposés qui vont s’entrechoquer. La série débute sur un incendie criminel, dévorant une vaste maison luxueuse. A qui appartient-elle ? Y a-t-il des victimes ? Qui a allumé le feu et pourquoi ? Tout le reste de la série consiste à nous laisser des indices et des pistes à chaque nouvel épisode pour résoudre ce mystère. On nous met ainsi dans la peau de chaque personnage dont on cherche à comprendre le rôle qu’il ou elle aurait pu tenir dans l’incendie.  

Les deux actrices phares, Reese Witherspoon et Kerry Washington, incarnent à la perfection les rôles respectifs d’Elena Richardson, la femme au foyer américaine bourgeoise des années 90, et de Mia Warren, l’archétype de l’artiste vagabonde indépendante. On a reproché à la série cette opposition caricaturale des personnages, où la femme blanche (Witherspoon) est inscrite dans le schéma traditionnel et privilégié dans son « suburb » (quartier américain bourgeois) où elle connaît tout le monde, tandis que la femme noire (Washington) est plus isolée et vogue de ville en ville, parce qu’elle rejette un monde qui l’oppresse.

Néanmoins, la finesse des personnages se révèle fréquemment à l’écran : tout n’est pas ce qu’il y paraît. Il est intéressant de noter que le livre éponyme de Celeste Ng dont s’inspire la série, ne précise pas explicitement que l’une des héroïnes soit blanche, ou l’autre noire. Etant elle-même d’origine asiatique, l’autrice ne se sentait pas légitime de parler de l’expérience d’une femme noire. La créatrice de la série a cependant voulu appuyer sur cet aspect qui n’est donc que suggéré dans le livre, en faisant un commentaire social sur le racisme. 

Little Fires Everywhere dépeint le tableau fin d’une famille nucléaire étouffée par l’image sociale que la mère tente désespérément de préserver. Maman de quatre enfants, dont le père avocat ne s’investit absolument pas dans l’éducation, Elena est aussi journaliste pour un petit journal local. Autrefois très ambitieuse, elle rêvait de plancher au New York Times, mais a laissé tomber ses rêves pour s’occuper des enfants.

L’image de famille parfaite qu’Elena s’ingénie à entretenir est menacée par les rébellions de sa benjamine Isabelle (ou Izzy comme elle se fait appeler), qui a l’impression d’être le mouton noir de la famille. Débordée entre réceptions, charge mentale et émotionnelle, et travail domestique, elle finit par engager une aide ménagère en la personne de Mia. Cette dernière arrive tout juste à Shaker Heigths, et a des difficultés à se trouver un logement. Elena, qui prend en charge la location d’un appartement dont elle a hérité, éprouve pour cette mère et sa fille aux revenus instables une forme de pitié mêlée de condescendance. Elle décide donc de leur louer son appartement.

De son côté, la famille de Mia semble plus sincère : elle n’a pour possessions que ce qui loge dans sa voiture, et sa famille se résume à sa seule fille adolescente, Pearl. Leur relation est très fusionnelle et complice. Mia est artiste mais elle n’a pas d’autre choix que de supporter deux emplois supplémentaires pour survivre, l’appareil photo à la main. Lorsqu’Elena lui propose spontanément le job d’aide ménagère, elle refuse d’abord, offensée à l’idée de servir une femme blanche qui n’a aucune conscience de son propre racisme. Cependant, elle accepte par nécessité pour subvenir aux besoins de sa fille. Cette relation hiérarchique qui s’instaure ne fera qu’accentuer l’animosité de Mia face à Elena. 

S’il y a bien un thème féministe majeur dont parle la série, c’est le lien mère-fille : les douleurs et les joies de la maternité. Au fil du temps, des liens inattendus vont se tisser et briser les carcans sociaux. Izzy se rapproche de Mia, dont elle partage l’amour de l’art et l’indépendance. Pearl, qui fantasmait sur l’image d’une mère totalement dévouée à ses enfants, est attirée par la figure  d’Elena. Baladée de ville en ville dans des conditions spartiates, c’est son besoin de stabilité et les secrets enfouis quant à l’identité de son père inconnu, qui vont peu à peu détériorer le duo mère-fille. Les vies des deux familles se lient irrémédiablement, se complètent finalement, et éclosent dans une grandiose apothéose.

Le titre du livre et de la série est incroyablement bien choisi, il exprime parfaitement ce que semblent ressentir les personnages, ce que ressentent les victimes de racisme et de sexisme également, la rage des opprimé.e.s dans la société. Ce sont de petits feux qui s’allument dans les cœurs face à l’injustice. Une histoire secondaire exprime très bien cela également en explorant le thème de l’adoption et des dynamiques racistes qui peuvent en surgir. Au restaurant où travaille Mia, une autre serveuse du nom de Bebe Chow est immigrée chinoise et travaille sans-papiers. Avant de trouver cet emploi, elle a été contrainte d’abandonner son nourrisson parce qu’elle était dans le dénuement le plus total. Un an plus tard, elle part activement à sa recherche, pour finir par la découvrir adoptée par un couple de blanc.he.s stériles. L’histoire se réglera en procès… 

Disponible (malheureusement, uniquement) sur la plateforme Amazon Prime Video, la série ne dure qu’une petite saison de 8 épisodes à savourer dans toute leur intensité.
Bonus : il y a même de la représentation lesbienne.

Mathilde Gamot