L’éco-féminisme, une chance pour la planète ?
La COP21, qui se tiendra à Paris en décembre, devra aboutir à un accord pour limiter à 2°C le réchauffement climatique. Le 8 mars dernier, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, affirmait que « les femmes doivent être placées au cœur des stratégies nationales et locales de lutte contre le dérèglement climatique ainsi qu’au cœur des négociations sur ce sujet. La COP 21 est un combat à mener pour et avec les femmes ». En réalité, la dimension genrée de la problématique n’est pas intégrée dans les discussions. Or, depuis plusieurs décennies, les féministes n’ont cessé de se faire entendre à travers un mouvement aux multiples approches, qui peu à peu a pris de l’ampleur : l’écoféminisme.
D’un écoféminisme à l’autre
C’est Françoise d’Eaubonne, féministe radicale française, qui forge le terme écoféminisme dans son ouvrage paru en 1974 : le féminisme ou la mort. Elle répond ainsi à la problématique de la surpopulation qui, selon certains experts, mène la planète à sa perte. Constatant que les femmes n’ont pas le pouvoir de contrôler leur fertilité (pouvoir confisqué depuis la nuit des temps par le patriarcat qui assigne les femmes à la procréation), d’Eaubonne pense que celles-ci doivent se réapproprier leur corps en exigeant un accès facile à l’avortement et à la contraception.
L’écoféminisme fait le parallèle entre femme et nature d’une part, entre homme et culture d’autre part. Carolyn Merchant relit ainsi l’histoire pour critiquer le capitalisme né au XVIIe siècle, l’esprit masculin hérité des Lumières (avec son universalisme incomplet), et enfin l’industrie qui asservit et exploite la Nature. Des intellectuelles et militantes anglo-saxonnes s’emparent des questions liées à l’utilisation des centrales nucléaires ou des missiles de croisières. Elles organisent des manifestations (groupe Women and life on earth), mais ne se revendiquent pas de la lutte pour la liberté de reproduction.
Le courant essentialiste, lui, pense que les femmes sont LA solution. Elles seraient plus émotionnelles que les hommes et liées au rythme de la nature qu’elles comprendraient intuitivement. Ainsi, identifiées à une nature divinisée, les femmes deviennent les seules gardiennes possibles d’une vie sacralisée et du message écologiste.
Les féministes du courant universaliste (dans lequel Osez le féminisme ! s’inscrit) pensent que l’écoféminisme essentialiste se complait dans les carcans patriarcaux. Elles dénoncent cette idéologie qui restreint les choix de vie des femmes à l’univers domestique tout en leur attribuant une supériorité morale.
Quant à Maria Mies et Vandana Shiva, elles inscrivent leur écoféminisme dans une approche économique et politique, fondée sur l’analyse des rapports Nord-Sud et le constat d’un « maldéveloppement » dû au capitalisme international : exploitation et destruction de forêts, fleuves, terres et par voie de conséquence, des communautés et des modes de vie écologiquement durables.
Ainsi, l’écoféminisme ne fait pas consensus parmi les féministes et plusieurs approches cohabitent.
L’écoféminisme, un révélateur des méfaits de la domination masculine ?
Au-delà de ces divisions, les écoféministes ont révélé à quel point la dégradation de l’environnement et de la planète était le fait d’une domination masculine sans partage. Françoise d’Eaubonne « considère que la matrice idéologique qui permet la domination des hommes sur les femmes est la même que celle qui permet la domination des hommes sur la nature ». Ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre, réduisant les femmes comme la nature à l’état de « produit d’échange, matière, provision ».
Vandana Shiva défend la même idée. Selon elle, il existe des similitudes entre comportements de domination et d’oppression des femmes et comportements non respectueux de la nature. Les ressources terrestres ne sont considérées qu’en tant que marchandises potentielles dans une économie de marché, par et pour les hommes. L’écoféminisme, débarrassé de l’essentialisme, a toute sa place dans le projet féministe de changer le fonctionnement des sociétés pour supprimer les inégalités entre les hommes et les femmes. L’intégrer dans la lutte contre le changement climatique semble également indispensable pour trouver des solutions justes et efficaces. L’écoféminisme apparaît alors comme une chance pour le développement d’un environnement où les femmes seraient en sécurité et à égalité avec les hommes.
Malika Bonnot