LE FÉMINISTOMÈTRE : notre outil pour mesurer la prise en compte des DROITS DES FEMMES dans les programmes politiques des candidat.es à la PRÉSIDENTIELLE 2022
Osez le Féminisme ! présente son analyse des programmes des candidat·es à la présidentielle : certains font l’impasse sur les droits des femmes ou les instrumentalisent à des fins racistes, d’autres promettent des mesures ambitieuses. Effet d’annonce ou véritable engagement féministe ?
La méthode de décryptage
Le groupe thématique « Elections » d’Osez le féminisme ! a éplu- ché un à un les différents programmes des candidat·es, a recensé et analysé leurs réactions dans les médias (par écrit dans la presse, sur les réseaux sociaux et lors de leurs interventions). Le groupe a aussi pris en compte l’influence d’organisations sur les candi- dat·es, c’est-à-dire par qui ils et elles se sont faits conseiller pour construire le volet droits des femmes de leur programme.
LES RÉSULTATS EN 5 CATÉGORIES
Les candidat·es d’extrême droite se retrouvent en bas du classement dans la catégorie « misogyne »: Attaques contre l’Interruption Volontaire de Grossesse et la Procréation Médicalement Assistée, politiques familialistes conservatrices, positionnement en faveur de la prostitution, etc. Eric Zemmour, notamment, brille par ses propos masculinistes et fait l’apologie de la culture du viol. Condamné pour incitation à la haine raciale, il instrumentalise la question des droits des femmes à des fins racistes : stigmatisation des femmes musulmanes et promotion du stéréotype du violeur nécessairement racisé. Le programme de Marine Le Pen se positionne aussi sans surprise dans cette catégorie Misogyne.
Catégorie « Pas féministe » :
Si Valérie Pécresse présente quelques mesures en faveur des droits des femmes, notamment en direction des familles ou de la santé des femmes, sa campagne est marquée par un virage vers des idées réactionnaires, fustigeant les militant·es féministes qu’elle accuse de « wokisme » et mettant en garde contre l’écriture inclusive qu’elle qualifie de « dangereuse » à l’instar de Jean-Michel Blanquer. A deux doigts de verser dans la catégorie misogyne, le programme de Nicolas Dupont-Aignan instrumenta- lise aussi le féminisme à des fins anti-immigration et ciblant les femmes voilées. Ses propositions en faveur des droits des femmes sont amoindries par ses oppositions à la PMA pour toutes et sur l’allongement du délai d’accès à l’IVG.
Si le parti Lutte Ouvrière s’était bien déclaré en faveur de l’abolition de la prostitution, les droits des femmes brillent…par leur absence dans le programme de Nathalie Arthaud. Aucune mesure face aux violences sexistes et sexuelles, rien dans l’éducation et très peu de déclaration sur ce sujet dans les médias. Pas d’écriture inclusive dans le programme. Les droits des femmes sont-ils si éloi- gnés des luttes ouvrières ?
Catégorie « Féminisme washing »
En ce qui concerne La République En Marche, le bilan d’Emmanuel Macron parle de lui-même : lors de son mandat, il a pratiqué un féminisme de façade. La « grande cause du quinquennat » annon- cée en 2017 n’a pas été suivie de mesures fortes. Énormément de fausses promesses, mensonges et effets de communication non suivis de moyens ont déçu les féministes. Les mesures écono- miques libérales ayant été adoptées ont pénalisé les femmes. En pleine ère #metoo, Emmanuel Macron a promu au Ministère de l’Intérieur un homme accusé de viol et abus de faiblesse. Il s’est régulièrement positionné contre les droits des femmes (IVG). Les victoires féministes de ces cinq dernières années lui ont été arra- chées par les associations en lien avec des parlementaires allié·es. Au-delà de son bilan, le candidat déclaré à la dernière minute met- trait-il en oeuvre une politique féministe s’il était réelu ?Yannick Jadot s’illustre en étant le seul candidat de gauche à s’être prononcé contre la loi abolitionniste de la prostitution de 2016, comme Eric Zemmour et Marine Le Pen ! Par la suite, il a rétropédalé mais entretient une posture qui met en évidence son manque de conviction féministe et entretient le flou sur une soi-disant « liberté sexuelle » (pornographie, prostitution) qui serait progressiste. Il est temps qu’il commence à écouter les féministes de son parti, car il y en a !
Entre feminism washing et propositions féministes, le programme de Philippe Poutou (Nouveau Parti Anti-capitaliste) navigue…et se classe de justesse dans la catégorie « Plutôt féministe ». Les propositions faites manquent de précision, même si elles sont formulées en écriture inclusive. Plusieurs points font douter de son engagement féministe. Il est par exemple pour une Gestation Pour Autrui « éthique », et contre la pénalisation des acheteurs de prostitution. Alors on se demande, peut-on réellement être anti-capitaliste sans s’opposer à deux des systèmes de marchandisation (économique ou non) des corps des femmes que sont la prostitution et la GPA ?
Catégorie « Féministe »
La France Insoumise, le Parti Socialiste et le Parti communiste pro- posent des mesures concrètes et détaillées pour l’égalité entre les femmes et les hommes : plan de lutte contre les violences masculines, santé des femmes et droits sexuels et reproductifs, éducation non sexiste, mesures économiques et fiscales en faveur des femmes. Leurs programmes ne sont pas nécessairement rédigés en écriture inclusive mais ils et elles l’utilisent par ailleurs.
D’après les plus récents sondages, les programmes les plus féministes sont malheureusement ceux qui, probablement, seront difficilement mis en œuvre car portés par des candidat·es qui passeront difficilement le premier tour des élections présidentielles 2022.
ZOOM : Les candidat·es et l’abolition de la prostitution
Tour d’horizon de leurs positions sur la loi du 13 avril 2016 sur la prostitution : sans surprise, la gauche s’engage pour l’abolition de la prostitution (Mélenchon, Hidalgo, Roussel…). Sauf Jadot, le candidat vert. Les déclarations de Fabien Roussel sont claires, contre les violences prostitutionnelles et pornocriminelles. Jadot, lui, a twitté en décembre 2021 sa volonté de revenir sur la loi, puis a rétro-pédalé sous la pression des féministes. Cette conception libérale-libertaire ignore les violences prostitutionnelles. Nous réaffirmons : la prostitution est du viol tarifé. L’égalité femmes- hommes ne sera jamais atteinte tant que les hommes achèteront des femmes. Jadot partage cette défense du « travail du sexe » avec l’extrême droite : Zemmour défend les bordels et l’archétype sexiste de la mère (pour la famille) et de la putain (pour le plaisir des hommes). Le Pen a classé cette loi de « moraliste ». Quant à Poutou, il entretient le trouble : considère la prostitution comme une violence, mais est contre la pénalisation des clients, et s’affiche aux côtés d’une organisation qui promeut la prostitution (strass) et a agressé des féministes lors de la dernière manifestation du 8 mars 2022. Enfin, ni Macron, ni Pécresse n’ont évoqué le sujet, même s’il et elle ne contestent pas la loi de 2016.
Groupe thématique « Elections » d’Osez le Féminisme ! & Céline Piques