L’article 2 de la loi Schiappa favorise la déqualification du viol sur mineur.e en « atteinte sexuelle »
On se souvient de la terrible injustice subie par la jeune Sarah, petite fille de 11 ans, en avril 2017 lorsque le viol dont elle a été victime, a été qualifié « d’atteinte sexuelle ». Sarah, élève de 6e, avait été entraînée dans un immeuble alors qu’elle sortait du collège par un homme de 28 ans qui l’avait ensuite violée. Mais elle n’avait pas protesté. Elle avait “suivi” son agresseur et ne s’était pas débattue. Or aujourd’hui, pour caractériser le viol, il faut prouver la violence, la menace, la surprise ou la contrainte. Le fait que l’enfante a été sidérée, a permis au juge de considérer qu’elle était donc « consentante » ! Le tribunal de Pontoise a retenu le délit d’« atteinte sexuelle », simple délit passible de 5 ans de prison, qui sanctionne le non-respect de la « majorité sexuelle » en France à 15 ans ; tandis que le viol est un crime passible de 20 ans de prison.
Comment en-est-on arrivé là ?
La déqualification dans l’affaire de Pontoise est proprement scandaleuse, et a provoqué une forte mobilisation des associations féministes avec une pétition largement relayée. Osez le Féminisme ! a manifesté dès 2017 devant le Ministère de la Justice pour réclamer une modification de la loi. Les enfants ne peuvent pas « consentir » à un rapport sexuel. Toute pénétration sexuelle sur mineure en deçà d’un certain âge, doit être qualifiée de viol, sans qu’il y ait besoin de prouver la surprise, menace, violence ou contrainte de l’agresseur. Ces revendications étaient en phase avec les recommandations du HCE (Haut Conseil de l’Egalité femmes-hommes) dans son rapport sur le viol en 2016 qui préconisait un seuil à 13 ans.
L’Association Mémoire Traumatique et Victimologie publiait les résultats de l’enquête qu’elle avait mené auprès des français.e.s sur le sujet des violences sexuelles contre les mineur.e.s : 81% des français.e.s sont favorables à l’instauration d’un seuil d’âge de consentement. Dans beaucoup de pays européens, l’âge de non consentement est fixé à 14, 15 ou 16 ans.
La loi du 3 août 2018 sur les violences sexistes et sexuelles : Indignation autour de l’article 2
Le président Emmanuel Macron avait solennellement promis le 25 novembre 2017 que la loi contre les violences sexistes et sexuelles comporterait un seuil d’âge à 15 ans. Mais nous avons rapidement déchanté. Cédant sous les réserves du Conseil d’Etat, la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, présente un projet de loi qui n’apporte rien de cela. La loi se contente de préciser comment caractériser la contrainte ou la surprise sur mineur.e : soit par « une différence d’âge significative » ou par «l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire » dans le cas des mineur.es de moins de 15 ans. Bref, rien de nouveau par rapport à ce que pouvait déjà invoquer le juge. Les termes sont d’ailleurs assez vagues pour laisser libre cours à de multiples interprétations.
Aucun seuil d’âge… et pire : une incitation à la déqualification en atteinte sexuelle !
Ayant abandonné la promesse de renforcer la définition juridique du viol sur mineur.e, le gouvernement avec cette loi renforce au contraire le délit d’atteinte sexuelle, actant donc qu’un.e enfant.e peut consentir à une pénétration avec un adulte. Le texte prévoit ainsi un alourdissement des peines de ce délit : de 5 ans à 7 ans. Et surtout précise que le juge, s’il se trouve confronté lors du procès à des contestations sur la caractérisation du viol, est incité à proposer la requalification en atteinte sexuelle. Il est certain que cette loi ouvre massivement la voie à une multiplication des jugements comme dans l’affaire de Sarah au tribunal de Pontoise.
Il faut revoir la loi !
Les violences sexuelles ciblent plus de 160 000 mineur.e.s chaque année (130 000 filles et 35 000 garçons sont violé.e.s chaque année par des hommes, à 80% des proches). En France, on compte 4 millions de victimes d’inceste. La loi doit poser un interdit clair sur les violences sexuelles contre les mineur.es. Le gouvernement doit absolument revoir la loi actuelle, et instaurer un réel seuil d’âge pour lutter efficacement contres les pédocriminels. Stop à l’impunité !
Céline Piques et Marie Aquili
Cet article a été publié dans le journal #51 d’Osez le Féminisme ! Ce numéro contient tout un dossier sur le système pornocriminel. Il est accessible suivant ce lien, même si vous n’êtes pas adhérent.e : https://osezlefeminisme.fr/journal/