Femmage à Gisèle Halimi
“Gisèle Halimi est née à Carthage en 1927, (…) dans une société pauvre où il ne faisait pas bon être fille” rappelle une émission de 1979 qui lui est consacrée. En effet, son père cache même pendant 15 jours sa naissance à ses amis. Halimi va vite aller à contre-courant, fait des grèves de la faim contre les travaux ménagers qu’on lui impose, refuse son mariage arrangé à 16 ans et poursuit ses études de droit jusqu’en France. Elle avorte une première fois à 19 ans et le vit très mal.
Une femme politique
À plusieurs reprises, Gisèle se servira des médias pour faire avancer la cause des femmes, comme en 1960 où elle défend Djamila Boupacha, militante du FLN qui est accusée de terrorisme, puis torturée et violée par des soldats français. Un livre sur l’affaire sera écrit par les deux femmes, et Simone de Beauvoir avec qui elle fonde avec Jean Rostand le mouvement « Choisir » en 1971. Avant ça, elle signe le Manifeste des 343 qui réclame le droit à l’avortement, en faisant fit des éventuelles répercussions sur sa carrière, elle écrira d’ailleurs que “[Sa] dignité d’avocate ne saurait museler [sa] liberté de femme”. Ce qui l’amène l’année suivante, au procès de Bobigny, qui deviendra un point crucial dans l’adoption de la loi Veil.
Marie-Claire Chevalier, 16 ans, est accusée d’avoir avorté après un viol. La jeune fille avait été aidée par sa mère, qui lui avait trouvé une “faiseuse d’ange”. Les femmes finissent par être dénoncées par le violeur de Marie-Claire et sont mises en examen. L’affaire étant médiatisée, elle permet d’interpeller l’opinion publique. Plusieurs personnalités viendront à la barre pour défendre, tels que Michel Rocard, Aimé Césaire ou encore Paul Milliez, médecin catholique qui recevra un blâme par l’Ordre des Médecins pour ses propos.
Un autre procès majeur dans la vie de Gisèle Halimi, le procès d’Aix, s’ouvre en 78. Il s’agissait du viol, de la séquestration et de violences contre deux femmes lesbiennes belges, Anne Tonglet et Araceli Castellano. Voulant de nouveau médiatiser l’affaire, Halimi refuse le huis clos. D’une rare violence, le procès s’est déroulé avec crachats et insultes pour l’avocate et les plaignantes. Si la peine des trois agresseurs fût minime, pour les deux femmes, c’est une avancée : elles sont reconnues victimes de viols. Ce jugement porta haut la mobilisation féministe, menant à un vote en 1980, qui changera la législation datant du Second Empire : violer devient un crime puni de 15 ans de réclusion criminelle.
Une femme de convictions
Gisèle Halimi devient députée de 1981 à 1984, et prend position contre la peine de mort, contre la GPA, pour la dépénalisation de l’homosexualité et milite pour la parité en politique. L’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes est fondé en 1995 par Roselyne Bachelot sous ses conseils. Les années qui suivent son départ sont marquées par des engagements à l’UNESCO, à l’ONU et par sa démission de SOS Racisme en raison de divergences au sujet du voile. En effet, Gisèle Halimi s’oppose au port du voile à l’école, qu’elle juge comme un “apartheid sexuel” et “ un des signes les plus infériorisant, sinon le plus”.
Une femme qui dérangeait
Gisèle était l’une des dernières femmes de la deuxième vague du féminisme, nous avons lu tout l’été des louanges à son sujet, mais cela n’a pas toujours été le cas. Attaquée et décriée en son temps, il semble que, à l’instar d’autres féministes devenues célèbres, elle ne soit considérée qu’une fois morte. Une bonne féministe serait-elle une féministe morte ?
Merci pour tout, Mme Halimi.
Anne Ronco