Être femme et lesbienne : marre de la clandestinité !

Avez vous déjà fait le rêve d’un amour interdit, dans lequel on vous pourchasse pour vous tuer parce que vous seriez amoureuse ? J’ai fait ce rêve, ce rêve d’un amour interdit car avec une autre femme. J’ai rêvé de la peur qu’on me retrouve, de la peur qu’on la retrouve, elle, mon amoureuse. J’ai fait ce rêve, mais il ne vient pas de nulle part. J’ai fait ce rêve parce qu’il m’arrive aussi d’avoir peur, dans la rue, les transports… parce que je suis une femme lesbienne.

Ça semble anodin, comme ça, de se promener avec la personne qu’on aime, de lui tenir la main. Ça semble anodin de parler de son amoureuse.x à sa famille, ses ami.e.s, ses collègues. Sauf que ce n’est pas anodin pour nous, lesbiennes, parce que nous sommes des femmes amoureuses de femmes. Et que donc, nous subissons : préjugés, insultes, agressions physiques et sexuelles, etc. Vous voulez du concret ? En voilà :

  • Mes collègues m’ont déjà dit : “mais au fait, vous faites quoi quand vous faites l’amour !?” (Une amie a d’ailleurs écrit une fantastique “Lettre à ma fiancée” à ce sujet).
  • J’ai déjà été interpellée dans la rue, avec ma compagne : des insultes (“sale gouine »), des intrusions (“je peux venir !?” ; “qui fait l’homme, qui fait la femme !?”) … toujours des hommes, le plus souvent depuis un vélo ou une voiture alors que nous étions à pied, quel courage !
  • Nous avons été suivies, jusque chez nous, par un homme qui a essayé de forcer la porte et que nous avons dû repousser, de toutes nos forces.
  • Certaines de mes amies n’ont tout simplement pas le droit d’évoquer leur compagne devant leur famille (cf. la campagne LesBieFamily d’Osez le féminisme ! en 2015-2016)
  • Deux couples de femmes ont été agressés psychologiquement et physiquement en ce début d’année 2018 (articles à lire ici et ici)
  • Ce weekend, j’ai eu la chance de rencontrer des lesbiennes réfugiées en France et d’échanger avec elles sur leurs parcours ; certaines ont perdu leurs compagnes, assassinées car lesbiennes (l’association Les lesbiennes dépassent les frontières fait un travail formidable pour les aider).

 

En France, 6 lesbiennes sur 10 déclarent avoir déjà subi un acte lesbophobe. Alors oui, ça fait peur. Peur de se dire que peu importe où nous allons, à Paris ou ailleurs, nous risquons insultes, agressions, mort.

 

Tous ces actes lesbiephobes (Tribune d’Osez le féminisme ! en 2016 “Mettons fin à la les-bie-phobie”) ne viennent pas de nulle part : ils sont symptomatiques de notre société enracinée dans le patriarcat. Ils sont à la fois sexistes et homophobes. Nos agresseurs ne peuvent pas supporter que nous, femmes, osions avoir une sexualité sans leur pénis, sans eux. Nous brisons par notre lesbianisme la structure même du patriarcat, basée sur l’appropriation et de la domination des femmes par les hommes, jusque dans la sexualité. Nos agresseurs sexistes, homophobes, lesbophobes, ont pour objectif de nous remettre dans le “droit chemin”, le chemin patriarcal donc.

 

Nos agresseurs nous contraignent à la clandestinité, par peur des violences verbales, physiques, sexuelles, des discriminations (au travail, dans l’accès aux services publics et privés). Nous sommes contraintes à l’invisibilisation, pour nous protéger. Nous ne connaissons de havre de paix qu’avec nos soeurs femmes, féministes, lesbiennes (par exemple, au sein du groupe LesBieFem d’Osez le féminisme !). Contraintes à l’invisibilisation, mais aussi invisibilisées… jusque dans cette journée du 17 mai (journée internationale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie), pourtant supposée visibiliser et dénoncer toutes les discriminations.

 

Alors voilà : j’aimerais simplement pouvoir me balader main dans la main avec mon amoureuse, aller au restaurant, vivre ma vie sans que personne n’ait rien à en dire. Mais tant que ma vie et mes choix seront l’objet d’injonctions normatives, seront marquées par des agressions, mon privé sera politique afin de faire avancer les luttes lesbiennes.

Éléonore

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