Chronique du sexisme ordinaire. Noelles en famille: le morceau de bûche difficile à avaler
Voici venu le temps des joyeusetés de fin d’année. Les vitrines des magasins arborent depuis deux mois déjà leurs plus belles guirlandes. Avec l’arrivée des sapins s’invitent parfois nos songes et appréhensions au sujet de ce fameux instant, où toute la famille est enfin réunie autour du repas. Qu’importe, l’humeur est à la fête, aux cadeaux et aux retrouvailles. Qui dit cadeaux dit désespoir et résignation de n’apercevoir sous le sapin que des livres, films, jeux vidéos, tout ce qui formate l’imaginaire des enfants finalement, présentant des histoires stéréotypées baignant dans la doucereuse contrainte à l’hétérosexualité, enrubannées de rose (romantisme d’un côté), et de bleu (domination de l’autre).
Qui dit retrouvailles dit peut être aussi pour certaines « un mauvais moment à passer ». Lesbiennes avec fierté chaque jour dans nos coeurs, il n’est pas toujours aisé de se retrouver face à des individus, soit qu’on ne connaît que très peu, soit que l’on connaît bien et que l’on aime beaucoup mais avec qui cela se passe toujours mal sans qu’on s’y attende, soit qu’on se débrouille pour éviter chaque jour de l’année. Vous souvenez-vous du cousin germain avec ses blagues vaseuses dès l’apéritif ? Celui qui vous regardera d’un drôle d’air lorsque sera venu votre tour de parole. Une fois votre curriculum vitae énuméré, interrompu de remarques déjà sexistes, toutes et tous attendront sans doute avec impatience le plus croustillant dans l’histoire… « Alors, quand est-ce que tu nous présentes ton amoureux ? » Et zut, voilà, on n’aura pas pu y échapper cette fois-ci.
Une fois que toute la famille ne prête plus d’attention qu’à notre réponse, plusieurs solutions: Quoi, vous ne saviez pas que j’avais adopté un chat ? Pourtant, il est adorable ! Hum, très peu pour moi, je préfère le chocolat! Ben écoutez, je me marie dans 6 mois – Non, j’plaisante ! Alors, on la mange cette bûche ? Chère famille … Je suis lesbienne !
Ce n’est pas une mince affaire que celle de devoir évoquer sa vie sentimentale, sous prétexte que tout.es ont déjà conversé des heures durant à propos de anecdotiques (projet-maison, les poux du petit dernier,…). L’esprit envahi, et avant même que chacun-e ait finit sa coupette, on aura pu appréhender les questions déplacées du grand-oncle qui cherchera à savoir à tout prix « comment ça se passe sans homme ?! », le risque de rejet, d’incompréhension, de violence… Dans d’autre cas, maman et frangine Jennie auront à cœur de prendre des nouvelles de notre amoureuse, sans remarquer mamie, que l’idée de deux femmes ensemble semble titiller. Sans parler de papi, pour qui c’est « contre-nature ».
Quel que soit l’énoncé, un moment se présentera, où nous nous poserons la question de savoir si c’est mieux de garder ça pour soi. Être la lesbienne cachée avançant masquée, évitant le sujet ? Être la goudou de référence familiale, avec toutes les conséquences que l’on connaît ? Le choix est difficile. C’est ça aussi, la contrainte à la clandestinité que nous vivons en tant que lesbiennes.
C’est décidé, l’an prochain, je fêterai Noël avec ma bande de copines féministes!
Lauriane Theullier, Juliette Mercier