Quand le marketing se met au service du sexisme

Pour les parents qui prônent une éducation égalitaire, il y a de quoi désespérer : échapper à la binarité de l’univers des jouets semble aujourd’hui mission impossible. Depuis trente ans, les fabricants rivalisent de stratagèmes pour vendre toujours plus, quitte à exacerber jusqu’à l’absurde la division fille-garçon, désormais la norme.

Celles et ceux qui ont grandi dans les années 1970–80 s’en souviendront peut-être : dans le sillage des avancées sociales et d’une forme de contre-culture, la mixité avait alors la cote. Sur les publicités Lego ou Fisher Price, garçons et filles partageaient joyeusement leurs jeux. Mais la parenthèse fut brève ; dans les années 1990, les publicitaires ont flairé l’opportunité du marketing genré. L’enfant-roi est bel et bien devenu un « enfant proie », un consommateur malgré lui.

Pour multiplier les ventes, une règle marketing est devenue incontournable : la segmentation du marché. Elle fait des filles et des garçons deux cibles distinctes, à qui l’on vendra deux produits différents, voire deux versions d’un même produit. Pour cela, les univers masculins et féminins doivent être totalement hermétiques. Lego s’y est mis, en créant récemment Lego Friends, une gamme pastel avec coiffeuse et salon de thé, aux côtés des gammes hyper-masculines aux figurines armées et grimaçantes. Pas question que garçons et filles jouent ensemble, ou pire, qu’un garçon réutilise le jouet de sa grande sœur…

La segmentation va de pair avec un travail sur l’identité visuelle des produits, qui en indique sans ambigüité le ou la destinataire. Garçons ou filles sont représen-té-e-s sur l’emballage ou mis-es en scène dans des publicités violemment caricaturales, tandis que le code couleur, la typographie ou les formes inscrivent profondément le genre dans le jouet. Pour des enfants en quête de conformisme, et dont la compréhension du genre est encore très rigide, jouer avec un objet destiné à l’autre sexe semble totalement impensable. Ainsi conditionné-e-s, faut-il s’étonner que les petites filles réclament toujours plus de princesses, les petits garçons toujours plus de jouets guerriers ? Ce ne sont pas les fabricants de jouets qui prendront l’initiative de briser ce cercle vicieux. Guidés par le profit, ils n’ont pas d’intérêt à encourager la neutralité. Le changement doit venir d’ailleurs : des parents, des distributeurs, voire des pouvoirs publics – en Suède ou au Québec, des lois interdisent déjà la diffusion de publicités visant les enfants. En attendant, les stéréotypes sont bien gardés.

Amanda


Pas de révolution dans les catalogues de jouets

Des pages roses pour les filles, des pages bleues pour les garçons… À l’approche de Noël, peu de catalogues dérogent à la règle bien établie.
A chaque sexe son univers, ses couleurs, ses jouets spécifiques. Pour les filles, dès le plus jeune âge, les poupées, les « jeux d’imitation » et le maquillage. Pour les garçons, figurines de héros, voitures et robots.

Tout est si stéréotypé dans cet univers de jouets que lorsqu’un catalogue reflète simplement la réalité, c’est-à-dire des filles et des garçons jouant ensemble à la dinette ou à la poupée, ou des filles avec une arme, cela crée immédiatement le buzz. Cette année encore, Super U a sorti un catalogue « moins sexiste », qui fait grincer quelques dents dans les rangs des conservateurs, mais ravit la plupart des parents. D’autres enseignes spécialisées proposent une répartition des jouets en fonction des goûts des enfants plutôt que de leur sexe. En Suède, le mouvement est directement venu des consommateurs, qui refusaient l’assignation des rôles de genre dans les catalogues. Ainsi, en réponse aux plaintes des parents, Top Toy, franchise de Toys’R’Us, a récemment conçu un catalogue neutre du point de vue du genre. Des exemples que pourraient suivre bien des distributeurs.

Elisabeth

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