Mona Zegaï, spécialiste des normes de genre dans les jouets

Les jouets sont-ils sexistes en eux-mêmes ?

Beaucoup de jouets sont pensés en amont par rapport à une cible marketing sexuée imaginée par les concepteurs. Par exemple, les poupons sont en rose et sur l’emballage figurent des photos de filles. Les distributeurs amplifient cette segmentation en distinguant bien souvent dans leurs magasins et catalogues des rubriques « garçons » et « filles ». Les jouets traditionnellement adressés aux garçons peuvent, dans une certaine mesure, être utilisés par les filles, mais l’inverse est plus difficile.

Est-ce que les enfants identifient que les jouets sont sexués ?

Jusqu’à 5 ans environ, les enfants n’identifient pas parfaitement les normes de genre. Mais influencés par l’école, les parents, les frères et sœurs, le marketing, ils les intègrent assez rapidement. Plusieurs enquêtes montrent que les adultes sont globalement soucieux de respecter les « choix » de leurs enfants ou petits-enfants, en particulier dans les milieux populaires. Mais ils oublient que ces choix sont déjà guidés, en particulier par la répartition des rôles domestiques qu’ils donnent à voir à leurs enfants au sein du foyer. S’ils sont parfois attirés ou curieux des jouets des enfants de l’autre sexe, les enfants vont vite abandonner l’idée sous l’air réprobateur d’un adulte. La ludothèque peut être une manière de découvrir des jouets qui leur sont « prohibés » à la maison. Des ludothécaires remarquent que ce sont les pères qui seraient plus attentifs à ce que leurs fils respectent les normes de genre du fait de la peur d’une homosexualité latente alors que la question de l’orientation sexuelle des filles n’est pas posée. Au contraire, la parole bienveillante de l’adulte autorisant l’enfant à aller vers différents types de jouets peut le rassurer et ouvrir son champ des possibles.

Quelles sont les initiatives pour assouplir les normes de genre ?

Le ministère des droits des femmes a récemment lancé le programme ABCD de l’égalité auprès des jeunes enfants et a commandé un rapport sur les stéréotypes de genre dans l’enfance qui devrait être bientôt publié. Il y a donc, pour la première fois, une véritable interrogation institutionnelle au sujet des normes de genre et de leur impact sur le devenir des enfants et des inégalités qui en découlent. La récente pression des consommateurs par le biais de lettres ouvertes aux industriels du jouet, de pétitions sur la question des jouets sexistes incite les commerciaux à être plus vigilants aux stéréotypes qu’ils véhiculent pour ne pas entacher leur image et donc le niveau de leurs ventes. Plusieurs enseignes sont revenues à une catégorisation de leurs jouets par type (poupons, voitures…) plutôt que par sexe. Une charte dans laquelle les fabricants et les distributeurs s’engageraient à ne pas véhiculer des stéréotypes de genre pourrait soutenir cette action.

Propos recueillis par Julie

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