L’histoire du féminisme, un enjeu de mémoire

« Nous qui sommes sans passé, les femmes » Les premières paroles de l’hymne du MLF le disent bien : l’enjeu de l’histoire du féminisme et plus généralement de l’histoire des femmes réside dans la transmission. Non sans écueils et sans difficultés.

Lorsque le Mouvement de libération des femmes se crée en 1970, la revue Partisan titre : « Libération des femmes, année 0 ». Année 0 ? C’était aller un peu vite en besogne et écarter une longue histoire féministe : celle des révolutionnaires, des suffragettes et d’autres mouvements.

Mais la mémoire des luttes féministes a été peu transmise, d’où une faible appropriation de cette histoire par toutes les femmes et l’impression d’un éternel recommencement. Comme l’écrit Michèle Riot-Sarcey, cette «histoire discontinue […] a toujours été tenue en lisière de l’histoire traditionnelle ». Aujourd’hui encore, lorsque se crée un nouveau mouvement féministe, il n’est pas rare d’entendre chez elles un certain dénigrement des féministes « historiques ». Davantage par méconnaissance que par volonté de faire table rase du passé.

La création de collectifs intergénérationnels, comme les Féministes en mouvements, permet d’éviter ces écueils. Écrire et transmettre l’histoire du féminisme devraient aussi permettre d’éviter ces oublis et ces ignorances.

L’histoire du féminisme est une forme d’histoire qui affirme «sa tâche mémorielle». Parfois, des militantes du MLF écrivent elles-mêmes sur le mouvement. C’est le cas de Françoise Picq, partie prenante du MLF et auteure du livre Libération des femmes : Les années-mouvement. Même s’il y a eu quelques rares recherches auparavant, l’histoire du féminisme est d’ailleurs véritablement née dans les années 70, dans le sillage du MLF, selon Michelle Perrot. Mais elle n’a pas tout de suite gagné ses lettres de noblesse. Cette discipline est parfois déconsidérée par la communauté universitaire, qui la soupçonne de militantisme incompatible avec la neutralité supposée de la recherche. Aujourd’hui, le concept d’études de genre, venu des milieux universitaires anglo-saxons, a pris le pas sur celui d’études féministes. Quel qu’en soit le nom, il est important pour l’auteur-e d’une recherche historique sur le féminisme d’avoir conscience d’une éventuelle subjectivité dans le choix du sujet, mais qui n’entache pas pour autant la rigueur scientifique de la recherche. «Écrire l’histoire des femmes, c’est s’inscrire dans une histoire universelle », écrit Michelle Perrot.

Laure

Bibliographie

Christine Bard, Écrire l’histoire du féminisme, Les Femmes, sujet d’histoire, sous la direction de Irène Corradin et Jacqueline Martin, PUF du Mirail, 1999.

Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes, Fontenay, ENS Editions, 1998.

Michelle Perrot, Genre et histoire du féminisme en France. Quand les femmes s’en mêlent. Genre et pouvoir, La Martinière, 2004.


Michelle Perrot, l’historienne qui met en lumière le rôle clé des femmes dans l’histoire

Ce sont les colons qui écrivent l’histoire, s’appropriant ou cachant l’œuvre des colonisé-e-s. Or la colonisation misogyne est telle que nous ne pourrions pas déceler l’ampleur du mensonge par omission qui ensevelit l’histoire des femmes, si Michelle Perrot ne s’était pas battue pour la révéler.

Le 10 janvier 2014, Michelle Perrot s’est vu décerner le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. A cette immense historienne, nous devons notamment des travaux de recherche inédits pour faire re-connaître l’histoire des femmes, non pas comme complément ou agrément, mais bien comme la moitié, jamais racontée, de l’histoire de chacun-e.

Il est temps que les apports fondamentaux de l’ouvrage en cinq volumes L’Histoire des femmes en Occident, dont Michelle Perrot est co-auteure, ou encore de l’ensemble de ses articles sur la question, rassemblés dans Les femmes ou les silences de l’histoire (Flammarion, 2001), soient pleinement inclus dans l’histoire officielle.

Lucie

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