EROTISONS L’EGALITÉ ! LA SEXUALITÉ EN PATRIARCAT : UN OUTIL DE DOMINATION

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la sexualité. Cela fait longtemps qu’on le dit, nous les féministes, mais le mouvement #metoo a fait remonter suffisamment de pourriture pour que tout le monde la voie enfin, même ceux qui faisaient l’autruche.

Quand une femme est violée toutes les 7 minutes en France, mais que 2% seulement des violeurs sont condamnés…

Quand en parlant entre copines on se rend compte qu’on a toutes été victimes d’au moins un viol ou une agression sexuelle…

Quand des hommes se plaignent de ne plus pouvoir draguer alors que nous demandons à ne plus être agressées…

Il y a comme un souci…

C’est là qu’on comprend, comme les féministes des années 70 l’ont compris avant nous, que la sexualité en patriarcat est intrinsèquement violente et inégalitaire. Pourquoi réinventer l’eau chaude quand des féministes radicales brillantes telles que Kate Millett (1), Andrea Dworkin (2) ou Sheila Jeffreys (3) ont déjà théorisé ce que nous re-découvrons aujourd’hui : ce qui est appelé sexualité en patriarcat, c’est l’hétérosexualité obligatoire (un homme et une femme), c’est la domination (l’homme au-dessus de la femme), et c’est la contrainte au coït (une pénétration vaginale suivie de va-etvients jusqu’à éjaculation masculine). Même si d’autres pratiques existent, elles sont bien souvent considérées comme périphériques ou comme “préliminaires”, la base étant le coït hétérosexuel.

Par la sexualité, les femmes sont renvoyées au statut d’objet et d’être inférieur qui a toujours été le leur dans la pensée patriarcale. L’homme « prend » la femme. La femme est « prise ». Le rôle de chacun est on ne peut plus clair. Violence et domination sont érotisées dans la culture (films, littérature…) qui prescrit aux femmes de trouver leur plaisir dans la soumission (promue sous l’euphémisme d’« abandon »), dans le fait d’être désirées et objectifiées et dans la souffrance (masochisme féminin). Les hommes, eux, sont confortés dans leur statut de dominants et encouragés à contraindre des femmes en prétendant qu’« au fond c’est ce qu’elles veulent », à les dominer et à les humilier. C’est le discours véhiculé par le système pornographique.

On nous dit que certaines femmes « aiment ça », qu’elles « consentent » et que « c’est leur choix ». Mais peut-on aimer et consentir librement à être torturée ou violée ?

Non. Si on y « consent » c’est soit par nécessité économique dans le cas de la prostitution ou encore du mariage, soit par réaction traumatique à des violences sexuelles (viol, visionnage de pornographie par exemple) dans le cas du « masochisme ».

La sexualité est un champ de bataille pour les femmes, et il serait temps de porter un regard critique sur nos pratiques et nos représentations pour que la sexualité devienne un lieu de réciprocité, de tendresse et d’égalité, et non pas une attaque en règle contre les femmes.

Mais, comme Sheila Jeffreys l’explique dans Anticlimax, pour construire cette sexualité égalitaire il faudrait que les hommes renoncent à leur position de dominants. Qu’ils cessent de regarder et produire de la pornographie, de violer des femmes par prostitution, de baser leur sexualité sur leur pénis, de forcer les femmes : toutes ces choses qui pour eux sont synonymes de plaisir et nourrissent leur sentiment de supériorité, sont leur définition de la sexualité. Difficile d’imaginer un mouvement de masse d’hommes choisissant de perdre leurs privilèges pour permettre la libération des femmes…(4)

C’est donc à nous, femmes féministes qui avons pris conscience de la profonde misogynie de la sexualité en patriarcat, de faire porter notre voix et d’exiger un changement dans les lois et dans les pratiques. Nous y parviendrons en dénonçant systématiquement toutes les productions médiatiques et culturelles promouvant la culture du viol, en soutenant toutes les femmes victimes de violences sexuelles, en combattant le système prostitueur et pornographique, et en promouvant notre vision d’une société débarrassée des violences sexuelles, dans laquelle une sexualité réellement libérée sera possible.

Chloé et Cécile

 

Références bibliographiques:

1- Kate Millett- La Politique du Mâle (1970)
2- Andrea Dworkin- Woman Hating (1974) , Pornography: Men possessing Women (1981) Intercourse (1987).
3- Sheila Jeffreys- The Spinster and her ennemies (1985), Anticlimax (1990)
4-Comme le demandait Dworkin à des hommes «pro-féministes» dans «Je veux une trève de 24h durant laquelle il n’y aura pas de viol», discours prononcé à la Midwest Regional Conference de la National Organisation for Changing Men, au cours de l’automne 1983 à Saint Paul, dans le Minnesota: https://tradfem.wordpress.com/2014/11/15/je-veux-une-treve-de-vingt-quatre-heures-durantlaquelle-il-ny-aura-pas-de-viol-2/

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