#VIOLENCES : Le patriarcat au coeur du système médiatique

Les médias sont à bien des égards un reflet de la société. Le patriarcat s’y manifeste donc sous de multiples formes et les violences masculines y sont légion.

D’abord, rappelons que le monde du journalisme et des médias est avant tout le cadre d’exercice professionnel de nombreuses femmes qui, comme ailleurs, sont au quotidien victimes de violences sexistes au travail. Parmi les témoignages cités sous le hashtag #balancetonporc courant octobre, de nombreuses femmes journalistes ont raconté les violences masculines dont elles sont victimes.

Un milieu professionnel largement touché par la domination patriarcale

Autre manifestation de la domination patriarcale, l’invisibilisation des femmes est évidente. Ainsi en 2015, d’après l’étude « Global Media Monitoring Project », seulement un tiers des informations diffusées en France étaient signées ou reportées par des femmes, alors qu’elles représentent quasiment la moitié des titulaires d’une carte de presse. La situation s’aggrave encore concernant les articles destinés à faire entendre des idées, des points de vue, des paroles individuelles : un huitième des chroniques et éditoriaux sont signés par des femmes, 17 % des tribunes, et seulement 15,5 % des interviews. D’une manière plus générale, l’association de journalistes « Prenons la Une » rappelle régulièrement que, d’après un décompte du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en 2015, la part de femmes invitées sur les plateaux à titre d’expertes stagne aux alentours de 18 à 20 %. Face à une telle mise en minorité de la parole des femmes, comment s’étonner que les médias agissent comme un miroir déformant, renforçant les mécanismes patriarcaux ?

Des violences contre les femmes minimisées

Tout d’abord, les termes souvent employés dans les médias pour parler des violences masculines, les « crimes passionnels » et autres « drames de la séparation », masquent la réalité, celle de crimes machistes, qu’il faudrait nommer correctement. Il en va de même pour les agressions sexuelles et les viols, dissimulés derrière des périphrases qui taisent les violences et ne nomment pas les coupables. Par ailleurs, lorsqu’elles apparaissent à l’antenne en tant que chroniqueuses, les femmes sont fréquemment réduites à des rôles stéréotypés, peu valorisants voire franchement dégradants. La composition des plateaux tend à isoler les femmes, moquées lorsqu’elles s’indignent à juste titre d’un agissement sexiste. Le développement des émissions dites d’infotainment a accentué cette tendance en favorisant un ton léger et humoristique, peu adapté à la prise de conscience collective.

Les émissions formatées pour générer le maximum d’audience quel qu’en soit le prix, sont aussi souvent le théâtre de violences machistes, notamment verbales et sexuelles. La plupart du temps, ce ne sont pas des « dérapages », terme bien pratique pour faire croire qu’une séquence a échappé au contrôle de la production. Bien au contraire, il s’agit de mises en scène délibérées de stratégies d’agresseurs. Le pire est que ce système semble ne rien apprendre de ses erreurs. On pourrait dresser une liste quasiment infinie des hommes qui ont tenu des propos misogynes de manière répétée et continuent à être invités. On pourrait aussi rappeler les agressions sexuelles commises régulièrement sur certains plateaux sous couvert d’un hypothétique « humour ».

Alors, comment organiser la riposte ?

Face à cela, le CSA dispose d’un certain pouvoir mais demeure timoré, et les sanctions n’interviennent qu’après que des violences ont été commises. Un changement de mentalité s’impose dans l’ensemble des métiers (production, journalisme, etc.). « Prenons la Une », par exemple, mène un travail de fond au sein des rédactions, et revendique notamment la fin des tournures minimisant les violences patriarcales, l’accroissement du nombre d’expertes invitées sur les plateaux en visant la parité, la tolérance zéro face aux propos misogynes ou encore l’obligation d’un diagnostic en termes d’égalité professionnelle dans les rédactions. Encore faut-il que ces initiatives soient appuyées, relayées et entendues car le patriarcat, ici comme ailleurs, sait se défendre.

Paul Poussard

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