#VIOLENCES La parole des femmes doit être entendue

Parler, c’est ce que font les femmes victimes de violences au quotidien, elles parlent mais personnes ne les entend car le système patriarcal se nourrit du silence. Pourtant, ensemble, accompagnées, nous pouvons lever l’impunité dont bénéficient les agresseurs !

« Nous sommes la seule espèce où les mâles tuent leurs femelles », c’est le triste constat fait par l’anthropologue Françoise Héritier.

Ainsi, selon le ministère de l’Intérieur, une femme meurt, en France, tous les trois jours sous les coups de son conjoint, ex-compagnon ou amant. Et, selon une enquête de l’Institut national d’Etudes Démographiques (INED) parue en 2016, 600 000 femmes subissent chaque année des violences sexuelles. Les violences contre les femmes ne sont donc pas un épiphénomène mais une donnée structurelle des sociétés patriarcales. Face à ces violences multiples, les femmes cherchent à se défendre, à faire valoir leurs droits.

Les femmes parlent…

Parler, c’est donc le titre du livre, écrit par l’ancienne porte-parole d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), Sandrine Rousseau, qui y relate son agression par le député EELV Denis Baupin. Parler encore, c’est ce qu’ont fait, ces dernièrs mois, les femmes victimes des agressions sexuelles diverses et répétées du producteur américain Harvey Weinstein.

Parler aussi sur les réseaux sociaux pour dire sa colère, son indignation face à la Une du numéro des Inrockuptibles promouvant le chanteur mais aussi meurtrier de l’actrice Marie Trintignant, Bertrand Cantat.

Parler à toutes et tous, c’est également ce qu’ont fait des milliers, des millions de femmes victimes de prédateurs sexuels au travail, dans la rue et ailleurs, en France et dans le monde, via les hashtags #metoo ou #balancetonporc.

Ces dernières semaines, différents médias ont donc constaté une libération de la parole des femmes. Pourtant, cette parole est-elle vraiment nouvelle ? Et, si elle se libère, c’est bien qu’elle était étouffée, non ?

…mais
on ne les entend pas

Car « la parole elle s’est souvent libérée, c’est juste qu’on l’a pas entendue » affirmait ainsi la journaliste Giula Fois. Et, en effet, face à cette déferlante de paroles sur les réseaux sociaux, les gardiens de l’ordre patriarcal n’ont pas tardé à réagir. Leur premier réflexe : nier cette parole, lui enlever toute légitimité. D’après eux, cette parole intervient trop tard, elle est mal intentionnée, elle ne mérite pas d’être entendue. Le journaliste Daniel Schneidermann la qualifie ainsi de « flot incontrôlable de tout et n’importe quoi ».

Stratégie classique puisque « Humilier les femmes, les traîner dans la boue, mettre en doute leur parole, les renvoyer au complot, en appeler à ce qu’elles ont de plus douloureux en elles pour remuer le couteau dans la plaie et les déstabiliser […] », c’est ce que font, systématiquement, les agresseurs et leurs soutiens, explique Sandrine Rousseau dans son livre. Alors les femmes ont peur et elles se taisent. C’est de cette façon que le système patriarcal se défend. Il réduit au silence celles qui cherchent à parler, à se faire entendre.

70% des cas de harcèlement sexuel au travail ne sont pas transmis à la connaissance de l’employeur selon l’enquête de l’INED citée précédemment. Et, seules 4% des femmes majeures victimes de violences sexuelles hors ménage disent avoir porté plainte selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Ce silence est si fort qu’il empêche, de fait, toute judiciarisation de ces affaires et garantit l’impunité des agresseurs. Déjà l’accueil dans les commissariats de police est souvent peu amène pour les victimes d’agressions sexuelles : entre les interrogatoires agressifs et les posters de femmes nues, difficile de se sentir à l’aise confiaient ainsi certaines victimes à Mediapart. Ensuite, les plaintes débouchent en grande majorité sur des non-lieux puisque sur plus de 11 000 plaintes déposées pour viol en 2016, moins de 2000 condamnations ont été prononcées. Les victimes subissent aussi des représailles, l’Association européenne contre les violences contre les femmes au travail (AVFT) explique que 95% des femmes accompagnées ont perdu leur emploi après un dépôt de plainte.

Alors que faire ?

La sororité en réponse à la violence du silence patriarcal

« Je ne me suis jamais sentie « femme » avant cet épisode, je me sentais humaine, être humain parmi les autres. Mon sexe est différent du tien, comme notre couleur de cheveux, notre poids ou notre taille. Il existe de multiples différences entre nous mais aucune qui justifie que tu puisses me traiter comme tu l’entends, que tu puisses t’emparer de mon corps sans mon autorisation », témoigne Sandrine Rousseau dans son livre.

Nous nous sentons toutes des êtres humaines et nous ne voyons pas toujours à quel point, en tant que femmes, nous partageons un destin commun, à quel point, au-delà des classes sociales et des différences culturelles, nous partageons des expériences de vie semblables en raison de notre sexe.

Pourtant, cette prise de conscience est fondamentale car ce n’est pas seules mais ensemble que nous pourrons bouger les lignes.
La sororité est d’ailleurs au cœur de la démarche des nombreuses associations présentes pour les femmes victimes de violences sexuelles. C’est le travail mené par l’AVFT qui accompagne les victimes d’agressions sexuelles au travail dans leur parcours judiciaire. C’est aussi le travail du Collectif féministe contre le viol qui recueille la parole des victimes, les rassure, les oriente dans leurs démarches. Et, c’est également le but que se donne l’association Parler fondée par Sandrine Rousseau en juillet dernier.

Ecouter la parole des victimes, les soutenir dans leurs démarches judiciaires pour qu’elles ne se taisent pas et n’attendent plus treize ans en moyenne pour être entendues (selon Muriel Salmona, de l’association Mémoire traumatique et victimologie).

Alors soyons sorores, tendons l’oreille et écoutons les femmes. Il est temps que la honte change définitivement de camp !

Claire Besné

 

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