#VIOLENCES : les féministes prennent le droit

A l’image de la société, le droit codifie ce que l’on pense être juste et s’applique ou non en fonction de ses priorités. Depuis une quarantaine d’années, en particulier grâce à la deuxième vague féministe, les lois sur les violences masculines ont beaucoup évolué. La France dispose ainsi d’un arsenal juridique assez important, qui pourrait cependant être complété, mais le manque de moyens humains et financiers et l’absence de volonté politique freinent leur application concrète. Petit inventaire non exhaustif.

Viols et agressions sexuelles

Au procès d’Aix de 1978, Gisèle Halimi, avocate et militante féministe, fait prendre conscience de l’importance du viol. Votée en 1980, la loi est aujourd’hui celle-ci :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »

Une fellation forcée, une pénétration vaginale ou anale avec le sexe, un doigt ou un objet sont des exemples de viols. Une grande différence d’âge peut par exemple constituer la contrainte morale. La présomption de consentement – quelle horrible expression ! – entre époux est supprimée en 2010 tandis qu’en 2014, les délais de prescription sont allongés à 10 ans après l’acte pour les victimes majeur.es, 20 ans à partir de la majorité pour les mineur.es.

Cette loi est trop peu appliquée, on assiste souvent à la requalification du viol en agression sexuelle :

« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ; les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende »

Sont considérés comme agression sexuelle un baiser forcé, une main aux fesses, un « frottement » dans un transport en commun, une masturbation forcée… Les délais de prescription sont de 3 ans après l’acte ou 10 ans à partir de la majorité selon l’âge de la victime.

Les violences intra-familiales et conjugales :

Le privé est juridique. Parce que la famille est le lieu privilégié des violences contre les femmes et les filles, il s’est avéré nécessaire en 2016 de réintroduire l’inceste dans le code pénal. La multiplication des mains courantes plutôt que des plaintes ou la faible application des ordonnances de protection sont insuffisantes pour protéger des violences conjugales.

Prostitution

La loi abolitionniste de 2016 sur la prostitution est le résultat d’un siècle et demi de lutte féministe, elle est très importante. Il faut mettre maintenant en pratique les trois piliers qui la composent : éducation, pénalisation du client, parcours de sortie pour les personnes prostituées.

Harcèlement sexuel et cyberviol

« Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. » La répétition n’a pas lieu d’être lorsqu’une pression grave vise à obtenir un acte de nature sexuelle. Le cyberviol (revenge porn) est depuis 2016 un délit qui consiste à utiliser des images qui révèlent l’intimité d’une personne et à les diffuser publiquement.

Eradiquer les violences nécessite bien plus que des lois spécifiques dont l’application est difficile sans une politique volontariste et féministe sur tous les sujets. La lutte continue !

Jean-Marie Coquard

 

 

Petit rappel de base : selon la Loi, l’infraction pénale la plus grave commise contre une ou des personnes constitue un crime. Ce motif d’accusation comprend : le meurtre, la torture, l’esclavage, le génocide et le viol. En France, la seule et unique juridiction compétente pour juger des crimes est la Cour d’Assises. Alors que le tribunal correctionnel ne peut juger lui que des délits.

La correctionnalisation du viol…

La correctionnalisation des crimes ou déqualification pénale est une pratique judiciaire prévue par la loi du 9 mars 2004 qui permet de qualifier un crime en délit et de le juger devant le tribunal correctionnel au lieu de la Cour d’Assises. Concrètement, cela signifie qu’un juge va omettre l’élément constitutif du viol (la pénétration) pour transformer ce crime en agression sexuelle. Le violeur n’est plus un criminel mais un délinquant. Les arguments avancés pour faire pression sur la victime et sa famille sont les suivants : une procédure plus rapide, une justice mieux rendue car avec des juges professionnels (et sans jurés populaires), un procès moins éprouvant psychologiquement. En réalité, cela permet à l’Etat de faire des économies : d’abord au niveau de la procédure car un procès aux Assises coûte nettement plus cher qu’un procès en correctionnelle, puis au niveau des frais de détention car les peines d’emprisonnement en correctionnelle (souvent avec du sursis) sont moins lourdes qu’aux Assises. En filigrane, on voit aussi le manque de volonté politique pour lutter contre les violences faites aux femmes.

.. et ses conséquences

Une conséquence directe de la correctionnalisation pour les victimes est la réduction du délai de prescription. Pour le crime de viol, il est de dix ans pour les victimes majeures et de vingt ans pour les victimes mineures, et ce à compter de leur majorité. Quand un crime est déqualifié en délit, le délai de prescription passe de vingt à dix ans pour les mineurs, et de dix à trois ans pour les majeurs. De plus, la solennité de la cour d’assises est une reconnaissance de la gravité du crime commis et subi et participe à la réparation psychologique de la victime qui peut ainsi faire valoir aux yeux de la société sa douleur.

Car le viol est un crime de masse

Le problème pour les Assises, c’est que le viol est un crime de masse. En France, selon un rapport d’octobre 2016 du HCE (Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes) 84 000 femmes âgées de 18 à 75 ans ont déclaré avoir été victimes d’un viol ou d’une tentative de viol en un an. Or les cours d’assises ne peuvent juger que 2 200 crimes par an. Le viol est un phénomène massif, et pourtant encore peu dénoncé et peu condamné : parmi les dizaines de milliers de victimes, environ 1 sur 10 porte plainte, et seule 1 plainte sur 10 aboutira à une condamnation. Le déni de justice que représente la correctionnalisation des viols fait donc partie du continuum des violences contre les femmes en France. Il participe à sa banalisation dans la société. Alors que le viol est un crime et qu’il doit être jugé comme tel.

Maya

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