Sous les feux de la rampe

Du 28 mai au 1er juin 2014, près de 2000 sportives et sportifs, amateur-es ou professionnel-les, se sont affronté-es pour la 18e édition du Festival International des Sports Extrêmes (Fise) à Montpellier. Malgré une évolution, la place des femmes dans les sports extrêmes reste encore confidentielle. Reportage auprès des skateuses du Fise.

Au skatepark, « la loi de la jungle »

Les sportives sont unanimes : pas facile de trouver sa place au skatepark. « Les premières fois, j’entendais les garçons me dire que je n’avais rien à faire là », souligne Alexia Dejoie, pratiquante de BMX. Maeva, skateuse, confirme : « On peut ressentir un certain mépris des hommes. Mais une fois que tu leur montres ce que tu sais faire, que tu t’imposes, alors le groupe devient comme une famille ». Une famille qui se dispute pourtant la place. Et comme toujours, les filles doivent se battre : « En entraînement, c’est la loi de la jungle, explique Elodie Gil- bert, skateuse. Les garçons nous coupent nos lignes et c’est difficile de s’insérer». Cette année, suite à la demande de plu- sieurs rideuses, l’organisation a réservé le skatepark 45 minutes pour les filles exclusivement.

Une meilleure programmation

Historiquement, la participation féminine au Fise date de 2008, catégorie « Roller Girl ». Cette année, sur cinquante épreuves organisées, six ont reçu la dénomination « Girl ». « Au début, elles concouraient avec les hommes ou les moins de 12 ans. Comme elles étaient une poignée, difficile d’ouvrir une catégorie spéciale », précise Precilia Verdier, 28 ans, co-fondatrice de l’association Roll School à Montpellier et pratiquante de roller depuis dix ans. On constate également une évolution positive dans le planning : « Avant, les filles étaient programmées le matin, témoigne Anne-Cécile Amirault, responsable communication au Fise depuis huit ans. Une heure peu propice… ». Elodie Gilbert, skateuse de 20 ans, confirme : « L’an dernier, on était en même temps que les BMX pro et personne ne nous regardait. Cette année, on est passée après donc il restait un peu de public pour nous regarder».

Le prix de la différence

Une meilleure programmation ne fait pas tout. Les différences de prize money sont encore prégnantes, comme le souligne Precilia Verder : « Il existe une catégorie « girl » sans distinction entre pro et amateur. Les organisateurs ne peuvent pas faire gagner le même prix aux filles et aux hommes avec ces différences de niveau ». Anne-Cécile Amirault, responsable communication du Fise, témoigne : « Pour faire venir certains rideurs pro, nous avons un budget de partenaires à répartir. Ce serait très bien d’avoir des partenaires pour les catégories féminines où l’on pourrait augmenter les prize money. La part des sponsors exclusivement féminins reste faible ». Une différence qui s’explique, pour Maeva Lannier, jeune skateuse de 18 ans, par des figures de rideuses moins spectaculaires : « On prend moins de risques que les garçons, on s’envole moins haut même si en technique, on réalise les mêmes choses ». Public, médias et sponsors boudent donc toujours en partie les skateuses.

Des initiatives émergent en faveur de la mixité dans le sport, comme une marque qui offre des price money équivalents aux hommes et femmes ou encore l’association La Muse Sportive créée en octobre 2013 qui investit le campus de l’université de Montpellier avec démonstrations de roller, BMX et skate mixte, mais elles restent rares. Pour Sarah Pelegrin, 21 ans et co-fondatrice de La Muse, « les inégalités dans le sport sont criantes. Les hommes semblent porter un discours d’égalité souvent peu suivi d’effets. D’un autre côté, certaines femmes se plaignent d’être peu considérées, mais pour moi, elles sont encore bloquées dans les schémas que nous impose la société.»

« Sports d’hommes », « sports de femmes »

« On a toujours tendance à comparer les hommes et les femmes et on arrive à des pratiques genrées : danse pour les filles, football pour les hommes », regrette Precilia Verdier. Les sportives du Fise ont quasiment toutes essuyé ce type de remarques stéréotypées. Et jusque dans leur famille pour certaines. « Ma mère me soutient mais a plutôt peur, explique une jeune. « Un jour, elle m’a dit : « Tu ne peux pas plutôt faire un sport de fille comme la danse ? ». Remarque identique pour Alexia Dejoie, sur un BMX depuis dix ans : « Mon père voulait que je sois une fille normale, que je fasse de la danse. Mais, en danse on peut se blesser pareil », sourit-elle. Pour Isabelle, mère de Maéva, il n’y a jamais eu d’inconvénient à ce que sa fille pratique le skate : « Maeva s’est toujours défendue pour dire qu’une fille peut faire pareil qu’un homme. Et je suis d’accord». Un argument repris par Kevin Dubus, 31 ans et professeur de roller à Gignac dans le cadre de l’association Roll School : « Les filles ont leur place. Certains pensent qu’elles sont moins athlétiques. En réalité, on a les mêmes envies et on souffre pareil lorsque l’on chute. Je trouve même que les filles se plaignent moins que les hommes».

S.P

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