Prostitution : le temps de l’abolition est venu

Aujourd’hui, en France, 99 % des clients prostitueurs sont des hommes, et l’immense majorité des personnes prostituées, notamment parmi les victimes de la traite, sont des femmes. Paillettes et draps de satin ne sauraient masquer la réalité : la prostitution relève de la domination masculine.

La violence est comprise dans le fait même d’être prostituée. En effet, le client méprise le désir et le plaisir de la personne prostituée, en lui imposant sa propre volonté par le biais de l’argent. Mais une poignée de billets ne peut cacher cette violence intolérable, cette atteinte à la dignité humaine. Outre cette violence intrinsèque, il faut souligner le fait que le milieu de la prostitution est le théâtre de violences infligées chaque jour aux personnes prostituées. La prostitution tue chaque jour : nous ne parlons pas ici seulement de meurtres (qui sont nombreux), mais aussi de morts sociales et psychiques. Le stress post-traumatique que connaissent les personnes prostituées est identique à celui que connaissent les personnes victimes de viols ou de tortures : cela en dit long sur la violence qu’elles ont à subir quotidiennement. Pour survivre, un très grand nombre d’entre elles dissocient corps et esprit. Être prostituée signifie être exposée quotidiennement à des insultes, des menaces, des coups, des blessures, de la part des clients mais aussi des proxénètes. C’est aussi être vouée à l’opprobre public, car curieusement la personne prostituée est souvent beaucoup plus facilement condamnée par la société que le client.

Chaque année dans le monde, 4 millions de femmes et de fillettes sont achetées et revendues sur le lucratif marché du sexe 

Les conséquences sur la santé sont également nombreuses : les personnes prostituées sont tout particulièrement exposées aux infections sexuellement transmissibles, les clients étant particulièrement réfractaires au port du préservatif, et leur position de pouvoir leur permet d’imposer cette décision. On nous répondra que pour certaines personnes la prostitution est un choix, et qu’on ne peut donc l’abolir contre leur volonté. Il faut tout d’abord souligner que ce « choix » ne concerne qu’environ 5 % des personnes prostituées en France. En effet, les 95 % restants représentent en grande majorité des victimes de la traite, exploitées dans des réseaux et, parce que souvent sans-papiers, à la merci de leur proxénète. Chaque année dans le monde, 4 millions de femmes et de fillettes sont achetées et revendues sur le lucratif marché du sexe (chiffre de l’ONU). On considère qu’en France 85 à 90 % des personnes prostituées seraient sous le joug du proxénétisme. Par ailleurs, 80 % de l’ensemble des personnes prostituées sont étrangères, part qui a doublé depuis le début des années 90 du fait du développement des réseaux.

La marchandisation du corps est contraire à la dignité humaine et toute société un tant soit peu progressiste est en devoir de l’interdire : de même que la société française interdit par la loi à tout travailleur, qui l’aurait pourtant choisi, d’accepter un salaire trop bas, de même la société française doit faire en sorte qu’aucune personne n’ait à se prostituer, quand bien même celle-ci l’aurait « choisi ».


Les jeunes pour l’abolition

L’abolition du système prostitueur est un combat moderne et c’est ce que veulent faire savoir les mouvements jeunes qui ont rejoint la campagne d’OLF pour dénoncer l’esclavage moderne qu’est la prostitution. « Femmes et hommes de demain, nous appelons les jeunes à reprendre le flambeau de l’abolition » incite l’appel aux jeunes signé par la LMDE, l’UNEF, l’Union Nationale Lycéenne, le MJCF, l’Union des Etudiants Communistes, le Mouvement des Jeunes Socialistes, et les efFRONTé-e-s… Rappelons que la mobilisation pour l’abolition est un mouvement citoyen qui dépasse le cadre des combats féministes : c’est toute la société qui est concernée. Les jeunes, tous ensemble, doivent lancer l’impulsion et refuser de grandir dans une société qui cautionne la violence imposée par la prostitution. Il s’agit de l’indignation de toute une génération. Mardi 24 septembre, ce collectif de jeunes pour l’abolition s’est rassemblé au pied de la statue de la liberté pour appeler le gouvernement à déposer un projet de loi pour l’abolition.

Vanessa


Le règlementarisme a provoqué une expansion de la prostitution illégale

La légalisation de la prostitution et le règlementarisme ne sauraient être considérés comme une solution. Les pays qui ont opté pour ce type de législation en tirent aujourd’hui un bilan négatif : au Nevada, par exemple, le taux de viols est quatre fois plus élevé que dans le reste des États-Unis. Un happening de certaines prostituées à Amsterdam a récemment fait le tour des réseaux sociaux et permis de saisir les limites de la prostitution légale. En effet, le règlementarisme a paradoxalement provoqué une expansion sans précédent de la prostitution illégale. La soi-disant volonté d’offrir de meilleures conditions « d’exercice » aux personnes prostituées est donc un échec. Les bordels, ces lieux où les hommes ont tous les droits, sans qu’aucune idée féministe ou égalitaire ne viennent les « frustrer », sont d’autant plus dangereux pour les femmes prostituées.

Abolir la prostitution se situe dans la droite ligne des combats féministes et progressistes qui ont œuvré pour une libération des sexualités et une libération des corps des femmes, mais aussi dans celle des combats sociaux et politiques pour l’avancée des droits humains. Ceux qui nous ont précédés ont déjà aboli l’esclavage et la peine de mort, notre génération doit être celle de l’abolition de la prostitution.

Osez le féminisme ! se bat donc pour qu’une loi réellement abolitionniste soit adoptée et appliquée, incluant un certain nombre de mesures : tout d’abord une politique efficace de lutte contre le proxénétisme ; la pénalisation des clients, qui permettra de renverser le rapport de force entre les personnes prostituées et ceux qui les payent. Enfin, un arsenal de mesures sociales pour venir en

aide aux personnes prostituées et les aider à se réinsérer dans la société s’avère nécessaire. Nous réclamons un plan national d’alternatives pour aider les personnes à sortir de la prostitution et une régularisation immédiate de toutes les prostituées victimes de la traite.

Noémie et Agnès


Les différentes règlementations

Selon les pays, la question de la prostitution a appelé différentes réponses législatives :
– Le règlementarisme (Allemagne, Pays-Bas, Suisse…) qui légalise la prostitution.
– Le prohibitionnisme (Chine, Égypte, États-Unis sauf le Nevada, Iran…) qui pénalise aussi le proxénète et le client que la prostituée qu’ils exploitent.
– L’abolitionnisme, encré en 1949 par une convention de l’ONU signée par 72 pays (Belgique, Brésil, Espagne, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni…), qui interdit le proxénétisme mais décriminalise les prostituées, reconnues comme victimes. Mais son application se révèle dans les faits peu efficace et alimente la schizophrénie des états signataires : en France, la loi « Sarkozy » a aggravé à partir de 2003 la pénalisation des prostituées en créant un délit de racolage passif, abrogé début 2013.
– Le néo-abolitionnisme (Suède puis Islande et Norvège…) qui entend pénaliser le client, éradiquer le système prostitueur en asséchant la source.

Simon Hatab et Raísa Leão

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