Interview Héloïse Galili, militante au Planning Familial 75 et psychologue féministe

Qu’elle soit animatrice au Planning Familial de Paris, ou psychologue clinicienne et sexologue en cabinet libéral, Héloïse Galili ne retire jamais ses « lunettes féministes » !

OLF ! : Quel est la différence entre le Mouvement du Planning Familial et les centres de planifications que l’on trouve fréquemment ?
Héloïse Galili : Le Planning Familial ou Mouvement Français pour le Planning Familial est une association féministe, d’éducation populaire créée il y a plus de 60 ans. Sa mission est d’accueillir les femmes dans les centre et de les informer sur l’IVG, la contraception mais également d’échanger autour de la sexualité, du corps, de la santé sexuelle et de dépister les violences. La plupart des centres de planification, eux sont au sein d’hôpitaux et de municipalités et seuls 2% de ces centres sont aujourd’hui gérés par l’association féministe qu’est le Mouvement du Planning Familial. Dans ces endroit on ne lutte pas inconditionnellement pour l’égalité Femmes Hommes et les droits sexuels (incluant la lutte contre les violences sexistes). Pour être sûre d’être à l’association du MPF, il faut chercher nos centres sur notre site !

OLF ! : Qu’elle est la spécificité de l’accueil au MPF ?
Héloise Galili : Depuis plusieurs années, nous organisons l’accueil des femmes en groupe. Selon les valeurs de l’éducation populaire, nous sommes dans une horizontalité et un partage de la parole et des expériences. En tant qu’animatrice nous donnons des informations essentielles mais nous ne nous mettons pas en position de « sachantes ». Lorsque les femmes viennent pour une contraception, une IVG
ou parler des violences qu’elles vivent, le groupe permet de déculpabiliser les femmes. L’échange permet de lever le tabou, de faciliter la conscientisation et de stimuler la solidarité sorore. Notre but est de politiser cette mission de service public qui nous est confiée.

OLF ! : Comment le MPF s’inscrit dans un accueil médical et en santé sexuelle bienveillant par rapport à celui classique qui enregistre énormément de violences contre les femmes notamment gynécologique ou dans le cadre d’une IVG ?
H.G : Permièrement, nous brisons la posture du spécialiste « qui sait mieux que la patiente » en limitant le face à face. Par
les groupes d’échanges, le savoir et l’expérience de chacune est valorisée et partagée. Ensuite, dans nos consultations nous faisons en sorte que toute femme soit informée de tous les choix possibles pour qu’elle prenne SA décision. Et puis tou.te.s nos médecins et sages
femmes sont formées au dépistage des violences, elles connaissent le réseau féministe et orientent les femmes au mieux. Nous faisons également attention de proposer un examen gynécologique (lorsque la patiente le demande) sur le côté (« examen
à l’anglaise», allongée sur le côté, plutôt que sur le dos avec les jambes écartées). Pour ce qui est de l’équipe d’animatrices, nous analysons
régulièrement notre pratique. Les femmes sont elles bien accueillis ? sommes nous en accord avec les objectifs politiques de l’antenne ?
Nous accueillons régulièrement des stagiaires qui viennent avec un regard neuf, extérieur et qui questionnent nos pratiques, ce qui est
essentiel.

OLF ! : Être une psychologue féministe, essentiel pour soutenir une femme ?
H.G : Être un.e soignant.e féministe c’est intégrer l’analyse féministe à sa compréhension des phénomènes intra psychiques et sociaux,
admettre que les violences sexistes sont un facteur de dégradation majeur pour la santé de tou.te.s et travailler à des solutions de résilience individuelle et collective ( dont l’engagement féministe par exemple ). Sur le plan professionnel, c’est aussi être vigilante à ne pas faire de l’asymétrie entre patient.e et thérapeute un rapport de domination (s’identifier au “sujet supposé savoir” et prendre le pouvoir sur la parole singulière de chacun.e). Chaque décision du cadre requiert le consentement libre des patient.e.s. Je pense que l’alliance thérapeutique implique un rapport de collaboration mutuelle, la thérapie est un travail d’équipe.

OLF ! : Le combat du MPF 75 en ce moment c’est quoi ?
H.G : En ce moment nous essayons de sensibiliser sur l’allongement et l’harmonisation des délais d’IVG à 22 semaines en France et en Europe (12 semaines en France). Aujourd’hui l’avortement est « délocalisé ». En 2017 6000 françaises qui ont souhaité interrompre leur grossesse au-delà de ce délai ont été contraintes de se rendre dans d’autres pays comme l’Espagne, l’Angleterre ou encore les Pays-Bas, où les délais sont plus longs. Aujourd’hui, un avortement en Espagne coûte entre 580 et 3000 euros selon l’avancée de la grossesse ; à cela il faut rajouter le prix du trajet et parfois un hébergement. Et puis il y a l’application de la loi de 2001 sur l’éducation à la sexualité et à l’égalité (3h tous les ans de la primaire au lycée ), et l’avancée législative et effective dans la lutte contre les violences sexistes qui manquent cruellement de moyens matériels (soins, hébergements…). Tant qu’on n’aura pas l’égalité, on reste en lutte !

Propos recueillis par Marie Aquili

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